Testament d’une mère
(Extrait)
Ma mère répudiéea dû me laisser à mon père
J’avais quatre moisJ’avais encore soif de lait maternel
Elle s’appelait Ndaayà MwâKabuta 2et lui Kambalà Ambroise
Je l’ai rencontrée à quelques reprisesElle a vécu jusqu’en 1991
En réalité elle ne m’a jamais quittéCar sa parole est toujours en moi
Plus sonnante que jamaiselle est dans mes oreilles et dans mes muscles
Elle est dans le sang qui coule dans mes veinesElle nourrit toute ma pensée
Ma mère n’est jamais morte Dieu merciJe ne suis pas orphelin loin s’en faut
Je suis le fruit d’héritages multiplesaugmentés d’apports issus de mon action
Le phénomène humainquelle merveille quel mystère !
Voici les dimensions de l’umuntuautrement dit la personne
Qu’on nomme aussi muntuen cilubà langue de ma mère
Le corps est sa dimension physique visibleet l’esprit sa dimension pensante
Le chi ou wayne bibi est sa dimension divinela parole sa dimension vibratoire
C’est dans le chi qu’est logé le sentimentde dignité de souveraineté de liberté
C’est le lieu inaliénable inviolable de l’êtreC’est peut-être l’« âme » de Cheng
La parole phénomène vibratoirese laisse consigner par l’écriture qui est silence
Le corps phénomène temporels’use et finit par se dissoudre dans la terre-mère
Structure ou formule complexe et fragileil cède devant la maladie ou l’accident
L’umuntu ou être humain est telsurtout par ses dimensions supra-temporelles
Écoutez la voix de ma mèreCelle qui ne fréquenta jamais l’école occidentale
Celle qui a appris à lire et à écrire toute seuleen observant les écoliers
Comment lire et écrire une lettre ?Lorsque tu reçois une lettre
Laisse-la d’abord reposerjusqu’à ce que tu oublies que tu as reçu une lettre
Quand ton esprit est dégagéreprends la lettre reçue et lis-la une fois
Laisse-la encore reposer un jour ou deuxpuis reprends-la et relis-la
Fais cela pendant cinq joursAlors seulement commence à y répondre !
D’une manière généralevous autres gens instruits
Quand vous recevez une lettrevous la parcourez précipitamment
Et vous vous mettez à répondreEt vous répondez n’importe quoi !
Souvent vous lisez à peine et jetez la lettreEt vous ne répondez pas !
Toi mon fils en particulieren t’envoyant en Europe je t’ai perdu
Tu y as perdu tes cheveux et la patienceEt tu ne sais toujours pas lire !
Il me semble même quelquefoisque tu as peur de tout ce qui est écrit !
Quand on est diplômé qu’on a fini l’écoleon n’a pas fini d’apprendre
Il reste à aller au-delà de l’écoleIl reste à entrer à l’école de la vie
Là où l’on apprend le buumùntù 3c’est-à-dire l’art d’être avec les autres et avec soi
Le buumùntù ou ubuntu c’est l’art d’être un muntuporteur du souffle de Dieu
2: « Mère de Kabuta ». En Afrique subsaharienne, la mère est généralement appelée d’après son 1er enfant.
3 Équivalent de ubuntu, en cilubà (langue de la RDC).
Colon & Nsonga
Je suis en 2ème année j’ai neuf ansJ’ai une belle voix
Le prêtre m’accueilledans sa chorale en pleine répétition
Le enfants chantent si bien :« Ça doit être ça, le paradis ! »
Jusqu’à ce jour ce chant résonne en moi !C’était Mozart
Celui-qui-a-visité-le-Paradis-et-en-a-ramené-les-mélodies
Je chante dans la choraleJe vis chez Nsònga ma marâtre
Au milieu de ses enfants qu’elle gâte et pourrit Je suis le boy
Ma mère avait été répudiéealors que j’avais quelques mois
Elle était peu soumise elle pensaitElle menaçait le patriarcat !
On lui interdit l’accès à moien raison d’une coutume cruelle :
Dans mon pays d’originel’enfant appartient au clan du père !
Or Colon est polygameQuand il apparaît il est ivre et méchant
Il nous bat tous Nsònga y comprispour affirmer son autorité !
Je garde l’image d’un père violentcependant aisé et intelligent
Qui jouissait d’une belle notoriétéEt j’étais fier d’être son fils !
La chorale s’apprête à partir en tournéeà Kolwezi et Lwena
Tous les enfants ont des sacspleins de provisions et d’habits
Moi je pars en voyage les mains videscomme un orphelin !
Le train va bientôt quitter le quaile chef de train va siffler !
Arrive in extremis Mansèèlàune voisine-amie à ma mère
Avec un panier sur la têteElle a couru elle est essoufflée !
Elle me le tend par la fenêtre :« C’est de Mwâ-Kabuta ! »
Je voyage ravi !J’AI UNE MAMANcomme les autres !
Elle avait eu vent de la nouvelleElle avait fait une trousse
Avec des victuaillesavec des vêtements et des draps de lit
Il fallait pouvoir courirElle s’adressa à la jeune Mansèèlà !
Quand j’écris ces verstout mon être frémit encore de joie !
Désormais ma vie se passe surtoutà la mission catholique
Et dans le monde privilégié des Blancs :les salles de concert
Et la base militaire de Kaminaoù nous donnons nos récitals
Les veilles de Noël à la missionsont particulièrement belles
Des artistes venus d’Europenous éblouissent chaque fois
Par leur maîtrise de la voixet par leur noble provenance !
Mes parents flamands
Bientôt doncc’est l’entrée dans le rêve !
Expo58 année faste :visites somptueuses
Au palais royaldans les châteaux les mairies
Récitals et feux de la rampeet feux d’artifice !
Délicatesse et parfums !Une Main bienveillante
Est venue se poser sur moiet m’a déposé là-bas
De l’autre côté du désertà l’autre bout du monde
Le pays de Mozartet de Bach et de Mendelssohn !
Je reçois de nouveaux parentsdes gens de Dieu :
Jacques Derickxet son épouse Joséphine Haazen
Pour la première foisj’appelle quelqu’un Maman
Pour la première foisj’appelle quelqu’un Papa !
Je suis si content de prononcerces mots suaves !
Me voici enfindans une famille qui fonctionne
Dans ma chambre :la poésie de Guido Gezelle
Mozart et d’autres classiquesCatarina Valente
Et des tas d’autres musiquesJe suis comblé !
J’écoute je savoureAh oui j’ai aussi un piano
Je suis des coursdéchiffre préludes et fugues
Chaque momentest une savoureuse surprise
Je me sens tellement choyéJe suis heureux !
Jamais je n’ai vudes êtres si bons si aimants
Ils m’aiment sans mesureje suis ivre de joie
J’en perds la consciencede la couleur
Je suis dans l’horizondans le rêve
J’y suis doncau paradis !
Peut-on imaginerune existence
Dont chaque instantest magie ?
Nous visitons en famillela France du nord au sud
Voir Lisieux Lourdesquelle félicité pour l’adolescent
Qui rêve de consacrer sa vie au Bon Dieuet que je suis !
Ensuite Carcassonne– Le moyen âge c’était donc ça ! –
Et tant d’autres lieuxqui m’impressionnent tant !
Je pars en croisièredepuis Anvers jusqu’à Lobito en Angola
Deux semaines idylliquesavec une escale aux Îles Canaries
Paysages mirifiques visages inhabituelsje suis époustouflé !
Je me fais des copains sur notre paquebotle Baudouinville
Nous avons du plaisirà jouer aux cartes aux dames au Lego
À lire Jusqu’au grand nord de Kingstonet d’autres aventures
Qui se déroulent en haute merMa vie est un rêve continu !
Je passe près de deux années à Kamina-villema ville natale
Ma mère m’offre un vélo bleuune vraie Rolls à l’époque !
Pouvoir simplement vivre à ses côtésquelle bénédiction !
J’occupe un studio dans ma maisonet j’ai des locataires
Je perçois un loyerje reçois des sous de Papa et Maman
L’échange de courriers avec euxme fait tant de bien
Et m’aide efficacementà perfectionner mon français
Je suis bon élèveJe joue des sonates de Mozart
Les prêtres m’aimentMes camarades d’admirent
Les filles me recherchentJe reste fidèle à Dieu !
J’ai un ami presque un frèreIl s’appelle Hubert
Il est si bienveillantet il m’apprend à partager
Je me souviens de sa noblesseet je le remercie
Dans le Katanga libreje suis Le-Paradisiaque !
VISION DU MONDE
La Passion selon Saint-Mathieu
(Semaine de grâce)
Hier soir c’était la Passion selon Saint-Mathieu
Par l’Orchestre Symphonique de Montréal
Sous la direction de Kent Nagano
La salle de concert tout en bois
Évoque un coin du Paradis
Mirifique et miraculeux !
Bach et ses semblables
Sont des hommes-firmaments
Sortis de l’atelier divin de création
Souvent ils émulent leur Maître
Souvent le Maître est jaloux
Qui confessa un jour :
Moi Jhwh ton Dieu
Je suis un Dieu jaloux
Voici un épisode remarquable
De l’épopée de Jésus de Nazareth
Fils-de-l’Homme dit Fils-unique-de-Dieu
Fils de Marie épouse de Joseph La-Pleine-de-grâce
Ami intime de Marie-Madeleine La-Pleine-de-beauté
Guide-sans-pareil-aux-disciples-sans-nombre
Vedette-qui-reste-des-millénaires-à-l’affiche
Enseignant excellent qui enseigna à aimer
Révolutionnaire venu apprendre aux Juifs
De nouvelles manières d’être au monde
Celui-qui-multiplie-le-pain-et-le-poisson
Celui-qui-résiste-à-Lucifer-ange-rebelle
La-Voie-qui-conduit-à-l’Esprit-Suprême
Intelligence-en-avance-sur-son-temps
Magicien-inégalé-source-de-miracles
Celui-qui-transmute-l’eau-en-vin
Celui-qui-guérit-les-paralytiques
Celui-qui-ressuscite-les-morts
Celui-qui-triomphe-de-la-mort
Cet homme par excellence
Unique en son genre
Fut capturé
Jugé sommairement
Et mis à mort
Sur une immonde croix !
Jean-Sébastien Bach
Cantor de Leipzig génial conteur
A su raconter cette histoire tragique
Celle du héros destiné à une mort violente
Avec des flûtes des orgues et des clarinettes
Avec des barytons des sopranos et des basses
Créant des vibrations magiques enchevêtrées
Provoquant de mystérieuses résonances
Au plus intime de notre être révolté
Nous mettant en contact direct
Avec le divin
Je rends grâce
De pouvoir toucher à la Beauté
De voir un reflet de l’Absolu !
Après ça
Tout discours sur Dieu ou sur la foi
Devient pur bruit !
Me Camplimbar
Cimbu Annà, une femme originaire des Beena Kanyòka, avait été mariée à l’âge de treize ans, comme cela était la coutume en ce temps-là. Elle avait eu son premier fils, Lufùlwàbò Kabàmbà Paul, à l’âge de quatorze ans. Désormais, on ne l’appela plus que Mwâ Kabàmbà (mère de Kabàmbà), ainsi que le veut la tradition. Elle a mis au monde onze enfants au total, dont un seul a perdu la vie en bas âge.
Eh ben, celui-là, ce n’est pas n’importe qui, hein !
Le prisonnier qui renverse les empereurs
Kabàmbà Pôlù Mwena Kalenda
Koonyimutengele géant qui se dresse à Dìnsangà
Baobab que l’on n’encercle
Source où chacun se désaltère
Frère aîné de Ndaayà Mwâ-Kabuta
Fils premier né de Cimbu Annà et de Lufùlwàbò Simon
Eléphant-à-la-peau-rugueuse qu’on ne terrasse
Le Maître qui gagne les causes les plus désespérées
Mère aimée comment dire tes noms
Ami des femmes et des hommes ami des enfants
Le riche sans compte en banque qui place sa richesse dans les humains
Ma joie est sans limites aujourd’hui est un jour béni
Cette époque tumultueuse vit donc la naissance d’êtres étonnants
Tel Paul Kabàmbà fils aîné de Cimbu Anne et de Lufùlwàbò Simon
Le Maître qui vint enseigner aux hommes l’art d’aimer et de vivre
Telle Ndaayà Louise sœur du Maître et femme d’exception
Kabàmbà Nsenda Lufùlwàbò dit Camplimbar
Le Maître plein d’intelligence et de bienveillance
Kabàmbà Nsenda Lufùlwàbò La-force-faite-homme
Que n’effrayèrent ni l’ouragan ni l’incendie ni la nuit
Lufùlwàbò Nsenda Kabàmbà
Le Maître libre plein de compassion
Cimbu Anna c’était la Mère
De Kabàmbà Lufùlwàbò Nsenda
Celui à qui les pasteurs venus d’Amérique
Avaient imposé le nom de l’apôtre Paul
Celui qu’appelaient Maître Camplimbar
Celles et ceux qui avaient eu la chance
De l’approcher et de le connaître
Oui elle avait enfanté un Maître
Sur ma route je croisai Ndaayà fille de Cimbu et Lufùlwàbò
Elle m’accueillit au plus intime d’elle-même Elle me donna le jour
Et je croisai son frère aîné Kabàmbà Paul le Libre-et-Généreux
Tous deux êtres de grande envergure aux mille seins
Issus de Kalonji qui descendait de Kalenda le Prolifique
Tous deux grands sages serviteurs du Dieu présent en eux
Aimant l’Homme et admirateurs de l’Enfant Pure-innocence
Ma mère c’est Ndaayà Lwisà wa Konjì
Sœur de Kabàmbà Le-Grand Le-Magnanime
Fille de Cimbu Anà Mwâ Kabàmbà
Ma formidable grand-mère
Kabàmbà Lufùlwàbòet ceux de sa trempe
Ont marqué leur tempsIls ne sont pas passés inaperçus
Frère aîné de Maamà Sâlàil est connu aussi sous les noms
De Lufùlwàbò Kabàmbà Nsenda etou Camplimbar ou Maître
Kasàlà pour
Me Kabuta
Chant I
J’appelle Kabuta Lelààyì Mbiiyè Mwa-Kikangala Elise
Fille de Jean Kabuta Ngèlènjì Bênyì Ntalaja Ngo Semzara
Et de Sidonie Claudine Kikangala Mudioko
Soeur de Ntùmbà Cìbaadìkòngo Soline
De Ndaayà Sara Mwâ-Kabuta la Voyageuse au teint rouge
Et de Kambalà Sola Ngalula qu’on appelle Mandela
Petite-fille de Kambalà Cikèngèlè Ambroise
L’artisan doué que fréquentaient les Blancs
Qui avait ainsi conquis le titre convoité de Colon
Et de Ndaayà Mwâ-Kabuta dite Maamà Sâlà
Celle dont la vie fut l’incarnation de la compassion
Petite-fille de Mudioko Floribert le Musôngye
Et de Lelààyì Mbiiyè la Mukwà Kalonji
Truie-aux-nombreuses-mamelles
Nièce de Dinàngà Mukùnze appelé aussi Jean
Wa Kabàmbà Nsenda Lufùlwàbò dit Camplimbar
Le Maître plein d’intelligence et de bienveillance
Et nièce de Ntùmbà Mùtândà dit Gérard
Le jeune père à l’esprit vif
Chant II
Le temps me manque
Pour évoquer comme il se doit
Citenga Ntâmbwà et Ntùmbà wa Kààmudìmbà
Lufùlwàbò Simon et Cimbu Anna Mwâ-Kabàmbà
Tes amples et illustres arrières-grands-parents
Etres de bonté de rêves d’action et de vision
Dont chacun se souvient avec émoi
Le temps me manque
Pour retracer comme il faut
La noble et magnifique lignée
De la grande Femme de lois que tu es
Diplômée de l’Université Libre de Bruxelles
Lieu de l’expression libre et de la libre pensée
Foyer de l’intégrité morale et de la tolérance
Du souci de l’autre bref de l’humanisme
Tu es issue de l’École de Bruxelles
Là où la pensée ne se soumet jamais
Sachant que se soumettre c’est cesser d’exister
Et d’où sortent depuis le dix-neuvième siècle
Les meilleurs esprits de leur temps
Je célèbre ce jour
La Maître en droit
Originaire de Kapàla
De Lukèlèngè et de Cìtèngà
Là où les filles et fils méritants
De Cimbaayi et de Mpwanga
Se nourrissent fiers de bœufs
Alors que partout ailleurs
L’on se contente de mfumbwà
Mouvement perpétuel
Je suis phénomène invisible
L’Insaisissable-à-l’identité-fuyante
Luciole enceinte dans la nuit épaisse
Naissant mourant renaissant remourant
Jusques au jour où je serai reconfiguré
Parmi d’autres substances minérales
Porteuses de vie et de promesses
Être chaque jour plus humain que la veille :
Célébrant je célèbre les miracles quotidiens
Silencieux patient j’attends qu’arrive le moment
De prendre la parole de recevoir le flambeau
Comprenant enfin ce que sagesse veut dire
J’ai rendu grâce je me tais
De peur qu’on ne me dise fol
J’arrête là l’histoire de ma vie
Qui est aussi ma signature
Toujours renouvelée
Toujours inachevée
Toujours provisoire
Ces paroles me sont venues
Un mercredi du mois de juin 2018
Jour où j’ai reçu une bonne nouvelle
Relative à mon dossier d’immigration
Alors que le ciel était inondé de soleil
Une bonne nouvelle de plus donc
Comme tant d’autres fois !
Et de ramener à la mémoire
Comme dans mon corps entier
L’émotion de bien-être ressentie
Il y a trente ans il y a quarante ans
Le jour où ma Ntùmbà vint au monde
Ou le jour où j’obtins mon doctorat
Ou le jour où je devins professeur
Ou tant d’autres moments bénis
Tous cadeaux inappréciables
Reçus de la vie si bonne !
La nouvelle reçue ce matin
Est d’autant plus précieuse
Qu’elle augmente ma joie ma vie
En réactivant l’expérience ancienne
Toujours présente dans mon être
J’ai une gratitude infinie !
Kabuta Ngèlènjì dit Jandhi
Le-Toujours-Perfectible
Extrait de lukasàlà
Émigrant qui émigra depuis l’invisiblevers la planète Terre en Afrique
Puis de l’Afrique devenue hostileà l’Europe chaleureuse et accueillante
Puis de l’Europe ancienne colonisatricevers l’Amérique nouveau monde
En attendant la 4ème et ultime émigrationvers l’invisible d’où il était issu
Kabuta est allé d’initiation en initiationavant de devenir le compagnon
L’époux bien veillé de Jeanne-Marie Rugirala Grande et Noble Dame
Fille aînée de Christiane Mujawingomaet d’Amandin Rugira le Sage
Mère de Marie-Ange Niwemugeniet de Yannick Shimwa le Rieur
Joyeuse fête, Maman Christiane !
Maman ChristianeFemme-de-Dieu
Celle qui chante-dansela gloire du Seigneur
Celle qui a marché sur lestraces du Christ en Israël
Celle qui marche fidèle sur Ses traces du matin au soir
Celle qui devient Jésus-Femme Fille-unique-de-Dieu
Celle que chacun aurait voulu avoir comme mère
Mère privilégiée au milieu de sa descendance
La-Pleine-de-compassion-et-d’amour
La-Belle-du-dehors-au-dedans
Joyeux anniversaire !
Jean Kabuta
Orchidée-Papillon
(Poétiser la vie)
Orchidée-de-la-luned’autres noms complexes me définissent
Voici l’histoire de ma lignéeJ’appartiens au genre Orchidée-Papillon
Issue du phylum des Plantes vasculaires dites Trachéophytesj’appartiens aussi
À la classe des Liliopside-Monocotylédoneà l’ordre des Asparagales
Et à la famille des OrchidacéesEnfin on m’appelle Phalaenopsis
Ou encore Phalaenopsis AmabilisJe suis fière de mes noms de force
Je proviens de contrées lointaineslà-bas en Asie du Sud-est
Là où vécut le sagace ConfuciusÀ juste titre ce sage me qualifia
De Reine-des-plantes-parfuméesDans mon milieu naturel
Grâce à mes racines aériennesje tire profit de la générosité de mes consœurs
Car j’existe grâce aux autrescomme ils existent grâce à moi
Symbole de la grâce féminineje suis aussi symbole de la perfection
À ce titre les gens d’Afriquem’associent au nombre 7
Rencontre du féminin et du masculinqui constitue l’Humain complet
Comme symbole j’interviens aussipour marquer 55 ans de mariage
Maître à penserj’enseigne aux humains la patience
Pour cette raisonje fleuris seulement une ou deux fois l’an
Quelquefoisil me plaît de passer plusieurs années sans fleurir
Mais quand je m’ouvreje reste présente pendant deux mois et même trois
Inondant les bienheureux qui m’entourentde lumière et de suave parfum
Je suis Source de lumière et de joieCependant je n’ai pas la désinvolture
De me mesurer à Potière-PrimordialeSoleil-qui-vous-aveugle-si-vous-la-regardez-en-face
Mystère absoluj’émerge dans le phénomène vie
Sans que nul ne puisse dire par quelle loiIl n’importe !
Je ne viens pas pour m’encombrer de questionsni pour me lamenter
Je viens pour vivreEt je vis pleinement
En offrant au monde le meilleur de moi-même :Cette fleur splendide aux allures enivrantes
Qui ne vient jamais seulequi vient toujours accompagnée de boutons de fleur
Destinés à prendre la relève à augmenter la vieà dire la victoire de la vie sur la mort
En ce moment précisje sors des tripes de Jean Kabuta que certains appellent Monsieur Kasàlà
Célébration-du-vivant-et-ÉmerveillementColère-vitale-et-Îlot-de-résistance
Il est à la fois Poésie Engagement et ActionC’est l’Agriculteur-polyvalent-qui-cultive-l’amour
L’orchidée mauve
Moi qui parleon m’appelle Jandhi
Écoutez donccombien je suis chanceux
Ce matin au leveren ce printemps finissant
Je songeais à l’abondance de la viedans la nature
L’orchidée languissaitdans le coin botanique du salon
Les racines desséchéesles deux feuilles restantes jaunies
Lorsque j’arrose les plantesje l’arrose aussi par habitude
Ce matin je m’étonne :les deux feuilles sont turgescentes
Et de remarquer une tigemunie de quatre fleurs mauves
Et de nombreux boutonsannonciateurs d’autres fleurs!
Le mystère me subjugue!S’impose le silence absolu!
Quel sublime cadeaupour cette journée nouvelle!
Ne suis-je pas privilégiéd’être témoin de cela?
Le spectacle me combled’émerveillement
Quelle Inconcevable-Intelligence!
J’ai parlé et je me tais
Qu’on ne me dise fol
Rimouski, le 27 mai 2021
Je suis Araignée
I
Dans le jardin un matin d’automne à Kamouraska
Une araignée monte descend elle danse dans l’air
J’approche – Elle accomplit concentrée sa besogne
Tendant l’oreille je l’entends énoncer ses noms :
Je suis Araignée Sécrétrice-de-soie Tisseuse-de-toiles
Mon génie se déploie dans le tissage de toiles-pièges
Je tisse des toiles de toutes tailles et de toutes formes
Dans tous milieux à travers le monde je suis Ubiquiste
Je pose d’abord un fil de soutien sur une branche une tige
Ensuite je fabrique mon cadre pourvu de rayons non collants
Au centre je tisse ma spirale non collante pour moi-même
Enfin je pose une spirale collante sur les rayons pour mes proies
Je m’installe silencieuse au centre de mon œuvre et j’attends
Depuis là je contrôle par vibrations chaque point de ma toile
Qu’une prodigue mouche vienne s’offrir je la localise aussitôt
Je cours alors jusqu’à elle et m’en repais en louant le ciel
Souvent par méchanceté ou par ignorance
Par jalousie ou par simple arachnophobie
D’autres vivants détruisent mes œuvres
Et s’acharnent à m’éliminer moi-même
Mais je ne meurs jamais pour de bon
Je resurgis et je me redresse toujours
Et je recommence et reconstruis toujours
Et j’existe depuis plus de deux cents mille ans
Quand on croit me tuer je suis plus vivante que jamais
Comme sont de plus en plus vivants les exilés razziés
Celles et ceux qu’on crut anéantir depuis la traite
Et qui survécurent grâce à leurs liens au sacré
Je suis Persévérance je suis Patience
Solitaire je demeure fidèle à ma vocation
Les gens d’Afrique m’ont surnommée :
Celle-qui-n’a-pas-besoin-de-barque
Car je suis l’Autonome je fabrique mes outils
Pour me nourrir pour traverser les airs les fleuves
Je suis la Responsable je prends ma vie en mains
J’inspire tous ceux qui ont soif de liberté
Aranéide Arthropode Arachnide Anansi
Je vais de mue en mue jusqu’à ma maturité
Prédatrice je suis friande d’organismes volants
Je me laisse aussi savourer par souci de régulation
Seuls les Maasaï de la Savane sont aussi sages
Qui se nourrissent de lait au sang frais et de viande
Aussi longtemps qu’ils respirent dansent et pensent
Et qui rendent aux fauves leur corps sitôt désanimé
Qu’est-ce que mes défis et ma vie m’enseignent?
Vivre ne consiste pas juste à manger et être mangé
C’est plutôt se nourrir des autres et les nourrir de soi
Et le bonheur est plus intense lorsqu’il est partagé
Font partie de ma grande famille Goliath la mygale géante
Argyronete Ichtyophage, Bagheera Kiplingi la Végétarienne
Veuve Noire la Redoutable et Tarentule d’Italie la Mythique
Et tant d’autres diurnes et nocturnes – bref je suis Diversité
Mes techniques de chasse sont elles aussi variées:
Le piège mais aussi la chasse à courre et la chasse à l’affût
Grâce à ma vue favorisée par mes yeux multiples et efficaces
Et grâce à ma patience illimitée et mon venin neurotoxique
Créatrice cosmique j’ai inspiré les Anciens de diverses façons
En Grèce la Belle Arachné se vanta d’être la meilleure tisseuse
Jalouse et furieuse Athéna détruisit son œuvre – Elle se suicida
Toutefois prise de remords Athéna la transforma en araignée
Trochilidé dit Colibri
Ma Précieuse Amie
J’ai entendu ta question :
Dis-moi s’il te plaît poète éclairé
Comment fait-t-on pour transformer
Un être brisé et presque désensibilisé
Par les épreuves et l’âpreté du monde
Peut-être aussi par les caprices du sort
En être d’ouverture assez transparent
Pour laisser passer la lumière du soleil
Pour entendre le murmure des muses
Qui inspirent des œuvres de beauté
Qui rendent capable de savourer
Chaque instant devenu infini ?
Tu veux savoircomment devenir assez malléable
Pour se laisser transporterpar le génie ou la bonté
Ou comment avoir accèsà l’expérience esthétique
Or les réponses à ces questionsne se trouvent
Ni dans les facultésni dans les traités savants
Mais dans le chant les océansles bébés naissants
Et dans les enseignementsde maîtres à penser
Abondants dans la Naturepleine de mystères
Alors je donne la paroleà Maître Trochilidé
On m’appelleColibri ou Oiseau-mouche
Mais mon nom véritablec’est Trochilidé
J’apparais au mondesous diverses formes
Et me singularisentmes reflets iridescents
Ah oui je déteste me salirau contact du sol
Ne suis-je pasCelui-qui-dort-en-hauteur ?
De préférenceje me tiens sur une branche
Ou carrément en l’airen parfait équilibre !
Expert de volsde styles créatifs :
À la verticalevers l’avant ou l’arrière
Ou même sur placenul ne m’égale !
Maître-de-la-voltige reconnu
Je suis équilibriste-phénoménal
De plus j’entends les ultra-sons
Et je vois les ultra-violets
Tant est fine mon ouïe !
Tant est fine ma vue !
Oui je suis unique
En mon genre !
Les Essentiels
Je suis parce que tu es et vice versaNous sommes des êtres d’interaction
Nous avons besoin les uns des autresEn outre nous avons besoin de sens
De comprendre relever des défis rêver créerpour être pleinement vivants
Il arrive que ces élans s’éteignentIl est toujours possible de les réactiver
Voilà la grande promesse voilà le grand présentdu kasàlà contemporain
Parole d’émerveillementde célébration de la vie sous toutes ses formes
Mais aussi acte de résistancecontre la violence sous toutes ses formes
Action pour construire un mondeplus fraternel plus humain plus beau
Une pandémie dite Covid-19a mis la planète à genoux
Le virus impitoyable emporte chaque jourdes milliers de vies
Depuis plus d’un an nous voilà isoléscoupés les uns des autres !
Interdits les rassemblements !Obligation de se couvrir le visage !
Fêtes grandes ou petites oubliez ça !Cloîtrés chez eux certains dépriment
D’autres en profitentpour découvrir l’essentiel et pour retrouver leur âme
D’autres encore nient la pandémie et privilégientdes théories du complot
Les hôpitaux sont débordésLes morgues croulent sous le poids des cadavres !
Italie Royaume-Uni Inde Mexique Brésil et États-Unisla crise fait rage partout !
Fin mars 2021près de 130 millions d’infections et près de 3 millions de morts !
Sitôt décédé sitôt débarrassé sitôt incinéré !Pas question de rituels d’adieux !
Que de vies brisées depuis Wuhanjusqu’aux Amériques et jusqu’en Europe !
Quoi qu’il en soitil nous faut humblement nous incliner et rendre hommage
Aux nombreux héroïnes et héros essentielsdans divers secteurs de notre vie
Mais d’abord sachez ceci :
Les coronavirus forment une grande famille de virus
Ces virus provoquent des maladies respiratoires
Ces maladies respiratoires vont du rhume à une pneumonie mortelle
La plupart provoquent des maladies chez l’animal
7 types provoquent des maladies chez l’humain
3 de ces 7 types sont responsables d’épidémies mortelles
C’est à ce groupe qu’appartient le redoutable SARS-CoV-2
Identifié à Wuhan en Chine à la fin de 2019
Voilà la cause de l’épidémie d’infection à coronavirus
Qu’on appelle COVID-19 ou encore SARS-CoV-2
En clair Corona virus desease ou Severe acute respiratory syndrome
Ou mieux encore syndrome respiratoire aigu sévère autrement dit SRAS
Le 30 décembre 2019le Dr Li Wenliang alerte 7 anciens camarades de l’université :
« Il y a 7 cas confirmés de SRASau marché de fruits de mer de Wuhan »
Le 7 février 2020 le Dr Li Wenliang décède à l’âge de 33 ansfrappé par le SRAS
À cause notamment du transport aériend’autres en nombre incalculable
Vont suivre rapidementdans le reste du monde
Tous et toutestravailleuses et travailleurs héroïques essentiels :
Des préposés aux soinset des infirmières auxiliaires
Des infirmiers autoriséset des assistantes en soins de longue durée
Des travailleurs sociauxet des préposés aux bénéficiaires
Des adjoints administratifs du CHSLDet des travailleurs sociaux
Des nettoyeurs aux soins de longue duréeet des médecins
Des préposés aux services de soutien à la personneet des pharmaciens
Sans oublier
Les policiers pompiers et ambulanciers
Qui assurent notre sécurité
Sans oublier
Les agriculteurs et les transformateurs d’aliments
Ni les camionneurs et employés des épiceries
Qui veillent à notre alimentation
Sans oublier celles et ceux
Qui gardent nos lumières allumées
Qui nous fournissent une eau toujours propre et sûre
Qui conduisent nos trains et nos bus
Kasàlà pour Haïti
(Thuy Aurélie Nguyen 2016)
Je suis Haïti la belle incandescente
Qui jamais ne baisse la tête
Qui toujours se relève de ses cendres
Toujours je chante la joie au cœur
Les larmes aux yeux
Dans la fureur des combats
Je chante je ris je danse
Moi Haïti la belle incandescente
Mes origines sont nombreuses
Par maints tours et détours
Elles me ramènent
À la lointaine et langoureuse Afrique
La terre féconde
Où tout a commencé
Avant le ventre sans pitié
Du bateau négrier
Je suis la descendante de la reine Sarraounia
La reine-Sorcière qui défia les Français
Et défendit le village de Lougou
Entourée de ses invincibles guerriers
Je suis la petite-fille de la Princesse Yenenga
La femme qui savait parler aux bêtes
Elle quitta tous les privilèges du trône
Pour fonder le royaume des Mossi
Pour vivre libre et choisir qui aimer
Je suis la digne héritière de Mulâtresse Solitude
Cette femme qui combattit pour la liberté
Et resta debout
Jusque dans sa pendaison
Je suis la fille du Nègre Marron
L’esclave rebelle et fugitif
Qui rompit ses chaînes
Et de Toussaint Louverture
L’ancien esclave qui prit la tête
De la révolte contre les colons français
Je suis Haïti
La première république noire indépendante au monde
Celle qui osa se dresser contre tous
Et se rêver libre
Ma langue est riche et métissée
Comme l’est mon cœur
Je parle le créole
Cette langue
Forgée à partir de la langue des oppresseurs
L’espagnol le français le portugais
Les langues autochtones des premières nations
Les Taïnos, les Ciboney
Sans oublier les langues africaines
Le yoruba, le bantou, le fon et l’ibo
Dans mon sang coulent les mots
D’Amadou Hampaté Bâ
Birago Diop chuchote à mon oreille
Les morts ne sont pas morts
C’est vrai, je vous entends
Dans mes rêves je vois passer
Léopold Sédar Senghor
Et avec Aimé Césaire je dis
Je ne passerai pas à côté de mon cri
Pieuvre-aux-bras-bourrés-de-neurones
I. La Mer
Mer bleu ciel
Là où règne Yemayá
Orisha de blanc et bleu
De nombre distinctif sept
Symbole de la maternité
Yemayá se tient aux côtés
De personnes qui accouchent
Et accouchent d’elles-mêmes
La mer s’étend jusqu’à l’infini
Là où elle rejoint le firmament
Là où le bas et le haut ne font qu’un
Là-bas paquebots minuscules immobiles
Ici promeneurs baigneurs surfeurs exaltés
Sous la houlette d’Oyá orisha des vents
Les vagues montent et descendent
Depuis la profondeur des temps
Je suis de passage sur Terre
Le temps d’un clin d’œil
Pure insignifiance !
Quelle merveille pourtant
D’exister de prendre part
Au phénomène humain !
Ma gratitude est sans fin
Devant cette grâce sans prix
De voir d’entendre de bouger
La grâce de goûter au visible
L’autre jour j’ai regardé la télé
Un homme à l’œil électronique
Avait eu l’audace formidable
De percer la surface ridée
Il avait brisé la coquille
Ouvrant sur l’invisible
Waouh quel univers !
Moi Ntalaja L’Itinérant
Je pensais avoir tout vu –
Je n’avais rien vu ! Je pensais
Savoir – Je ne savais rien !
Surabondance d’êtres
Aux formes insoupçonnées
Aux couleurs indescriptibles
Tous des miroirs qui reflètent
Un Réel de génie et de beauté
Au-delà de toute représentation
Paysages mirifiques envoûtants
Roches vivantes fleurs nageantes
Plantes-animaux poissons-oiseaux
J’arrive pas à respirer…
Ce 25 mai de l’an 2020une fois de plus
Un officier de police au cœur pétrifiépauvre homme abîmé
M’a cloué au solIl a posé son genou pesant sur mon cou
Neuf minutes tout une éternitécomme cela se passe depuis des siècles
S’il vous plaît j’arrive pas à respirer…S’il vous plaît je manque d’air…
S’il vous plaît j’étouffe…S’il vous plaît le genou sur mon cou…
J’peux pas bouger…Maman ! Maman !
J’peux pas…J’ai mal au ventre…
J’ai mal au cou…J’ai mal partout…
De l’eau… quelque chose…S’il vous plaît…
Ne me tuez pas…Vous allez me tuer…
Ils vont me tuer…J’peux plus respirer…
S’il vous plaît m’sieur…ne me tuez pas
S’il vous plaît…S’il vous plaît…
Je m’appelleGeorge FloydBreonna TaylorBotham JeanStephon Clark
Philando CastileAlton SterlingJamar ClarkFreddie Gray
Walter ScottTamir RiceLaquan MacDonaldMichael Brown
Eric GarnerJe porte d’innombrables autres noms
Reçus au cours de nombreuses décenniesdepuis le règne du Ku Klux Klan
Depuis le temps de la traitedepuis les cales sombres des bateaux négriers
Où durant des semaines de traverséej’ai manqué cruellement d’air
Ne suis-je pasCelui-qui-manque-d’air-depuis-cinq-siècles-entiers
Depuis ces sinistres années 1440où captif déshumanisé du continent razzié
Je fus déporté vers la péninsule ibériquepuis vers les Antilles et autres Amériques
Comme marchandise comme esclavemonnayable et corvéable à merci
Avec la bénédiction des églises sainteset le silence des philosophes dits éclairés ?
Réputé bête dangereuse et indésirableje suis toujours pourchassé toujours traqué
Los Angeles ou New York ou ChicagoTexas ou Minneapolis ou Montréal
Du nord au sud d’une côte à l’autreoù que j’aille je suis victime de profilage racial
Je suis l’animal qu’on abat sans vergognesans craindre aucune sanction sérieuse
Or à la fois fragile et puissantun genou obstiné me tue qu’il ne puisse m’anéantir
Je suis Vie-qui-ne-s’éteint-pointsans-provoquer un séisme sans ébranler le monde
Braves gens réunis dans cette agora accueillantece dimanche 7 juin de l’an 2020
Mon cœur est rempli d’allégresse et d’espoirIl chante il danse il rend grâce
D’être entouré de sœurs et frèresau cœur aimant aux couleurs arc-en-ciel
Pour dénoncer l’injustice le mépris la violencepour dénoncer le racisme dégradant
Pour proclamer devant le monde et la nature témoinsnotre commune noblesse
Savourer la faveur d’être vivant
(Hommage à la Terre)
Cependantémanation d’Être-Suprême Intelligence-pure
L’Humain est dotéd’autres facultés dignes d’admiration :
Une grande intelligenceet un sens aigu de l’observation
N’est-il pas l’Observateurà la fois vigilant et minutieux
Qui observe l’altéritécomme il s’observe observant ?
Ayant inventé un outil puissantappelé mathématique
Il a établi que moivotre Terre Pourvoyeuse-inégalée
Je serais apparueil y a près de cinq milliards d’années
Au premier éonque les scientifiques appellent Hadéen
Les conditions s’y seraientprogressivement trouvées réunies
Pour qu’apparûtau cours de l’éon suivant appelé Paléo-archéen
Il y a près de quatre milliards d’annéesce phénomène prodigieux
D’une complexité inouïe et d’une beauté indicibleappelé Vie
Revenons un instant à la géologiescience qui m’étudie
Et jetons un coup d’œildans l’éon appelé Phanérozoïque
Pour observer par exempleque le relief des Rocheuses
Est le résultat d’une successionde phénomènes fascinants :
Dépôt d’une variété de sedimentsau fond de la mer appelée Iapetus
Tels que sables argiles boues et graviersainsi que d’autres substances
Sous la pression de la croûte terrestreémergence de montagnes
Accompagnées de pics et de lacsde rivières et de vallées
Ensuite succession de plissementssuivis de l’érosion
Conséquence de vents et de pluiesde gels et dégels
Voilà que l’érosionse combinant aux glaciations
Comme aux réchauffementset aux déglaciations
Donne naissanceau terme de millions d’années
Aux paysages des Rocheusesen Amérique du Nord
Tant d’événements spectaculaires !Comment peut-on ne pas s’émerveiller ?
Devant de tels phénomènesla vie humaine ne paraît-elle pas insignifiante ?
Encore que l’Humain ait tout de même raisonde faire le constat suivant :
Parmi toutes les espèces d’êtres que j’abriten’est-il pas le seul être capable
D’écrire de résoudre des équationsde composer des poèmes et des passions
De penser de s’étonner et de créerdes fictions narratives et symboliques
De créer le paradis ou l’enferet même de créer des dieux ou un Dieu ?
Ainsi doncl’Humain est Énergie-Pensante redoutable
Capable d’activer son pouvoirau profit du bien ou du mal
Pour autant rien ne l’autoriseà se déclarer mon maître moi La-Primordiale
À me dominer et à me saignerou à s’approprier la moindre parcelle de moi !
Sachez que moi Maison-de-tousje ne saurais être la propriété de quiconque
Sachez que moi La-Nourricièredepuis mon apparition autour du Soleil
Je suis là pour tous les Vivantsdans leur infinie variété !
La tentation est forte de supposerqu’une Intelligence-absolue
Ait conçu tout l’algorithmequi définit mes relations avec l’altérité
Par-delà l’Humain comme mammifèrequoique mammifère pensant
Par-delà le visible et l’invisibleen tant que catégories de la Réalité
Devant le mystèrel’Humain ne peut donc que garder le silence
Et reconnaître humblementsa vulnérabilité et son ignorance
Et se contenter de savourerla faveur d’être vivant
Adieu
(Ballons fragiles)
Mes amis à moi savent que tout homme est un ballon
Un gros ballon que perce une aiguille toute minuscule
Une aiguille minuscule qui le fait voler en éclats 1
À travers les conseils prodigués
J’entends ma propre parole
Qui entre en résonance
Avec sa source en moi
Je reçois de ma Complice
L’autorisation de l’héberger
M’en nourrir et la convertir
En conduite nouvelle
Adieu donc
Aux entreprises casse-tête
À Kinshasa à Dakar ou à Bruxelles
Friandes d’énergie de temps de souffle
J’ai déménagé du dehors et du dedans
Je participe à la construction du monde
Depuis là où la vie aimante m’a déposé
Depuis là où pousse et fleurit l’amour
Adieu aux marâtres et sangsues
Quelles et où qu’elles soient
A l’affût du Négro pensant
Toujours esclave
Bênyì je me pose dès ce jour
Auprès de compagnons-pèlerins
Afin de méditer penser lire écrire
Et ouvrir la porte à mon génie
Je suis en chantier
Je suis en pleine turbulence
Tout est sens dessus dessous
Se rompent les liens qui m’attachent
Au désir de gloire de posséder
Je m’allège je vois la lumière
Je deviens libre
1 Extrait de « Éloge de soi, éloge de l’autre », 2003.
Alice Sommer Hertz :
Je regarde
La seule beauté
(Ballons fragiles)
La Déportée qui connait la vraie nature
Des Hitler des Himmler et autres êtres
Échappés de l’enfer et laissés en liberté
Celle qui découvre l’Éden dans l’Enfer
L’indulgente pour qui nous sommes tous
Sièges du mal et sièges du bien
« Je sais qu’existe la laideur
Mais je regarde la seule beauté »
« Je ne connais pas la haine
Qui dévore celui qui la porte »
« C’est terrible ! C’est la fin du monde !
J’ai cessé de me plaindre et de geindre :
Rien n’est terrible pour celui qui est libre ! »
La Pleine de grâce et de connaissance qui enseigne
Que tout ce qui nous arrive est un cadeau
La Rieuse qui rit depuis le berceau
Et depuis le matin jusqu’au soir
Qu’il pleuve ou qu’il soleille
La savante qui sait qu’il faut toujours aimer
Toujours admirer toujours s’émerveiller
Et privilégier la générosité et la bienveillance
Belle et grande Alice Sommer-Herz
Chantre de la beauté et de l’inattendu
Eté qui répand la chaleur et la lumière
Cœur plein de bonté et d’amour
Artiste pleine de gratitude pour la présence
De Beethoven Brahms Schuman ou Schubert
Ces créateurs d’une beauté indescriptible
Ces messagers d’un autre Plan
Là où règne la paix et la liberté
« La musique est ma religion
Et j’ai appris Bach par cœur
Il est beaucoup plus efficace
Que les pilules du médecin »
Celle qui héberge la Nature en soi
La perçoit de tout son corps autour de soi
Et habite pleinement le présent
Se mettre à l’écart
Sur le cheminsache te mettre à l’écart
Ainsi tu permets à ton semblablede passer !
Tu permets à l’autrede se manifester !
Je naquis équipé d’une plume
Jean Kabuta dit Jandhi poète prolifiquevenu de l’Afrique centrale
Je naquis équipé d’une plumeBientôt mes plumes se multiplièrent
Tout mon génie tient dans mes plumesEngoulevent Porte-étendard
J’arbore deux longues rémigespouvant dépasser soixante centimètres
Quand je sillonne le cielje ne passe pas inaperçu et tous m’envient
En réalité chaque être humainvient au monde muni d’un diplôme
Il lui faut déchiffrer ce diplôme originelpour découvrir son génie
La parole
Que de synonymes et nuancespour le seul verbe Parler
Bavarder jaser calomnierintercéder communiquer prier
Chuchoter débattre déclamerdégoiser piquer dialoguer
Titiller deviser articuler définirmentir palabrer exprimer
On écrirait tout un dictionnairesur ce seul vocable !
Je me fais Hyperbolepour être plus percutante
D’autres fois je me fais Métaphoreet deviens Symbole
Ainsi j’atteins directementl’esprit ou l’âme ou le cœur
Là où gisent l’amour la beautéle mystère le silence
Je me suis présentéeParole fluide Parole de joie
Les poètes chantentdes izibongo des kasàlà des oriki
Pour stimuler l’énergiequi pousse l’homme à l’action
Pour porter au grand jourla beauté lovée en chacun
Ces experts de la parolesavent créer le rythme
Source de mouvementet source de vie
Qu’est-ce que le kasàlàsinon une parole ?
Une parole diteune parole entendue et vue
Or ce n’est pas l’œil qui voitni l’oreille qui entend
Merleau l’a compris :Ce n’est pas l’âme non plus
Mais le corps comme totalitéqui entend qui voit
Les gens du Mali euxsavent depuis la nuit des temps
Qu’à l’instar de l’être vivantje suis Eau Air Terre et Feu
Ils savent donc que je suis Corpsmais aussi Graines Force
Et autres modalitéssuprasegmentales mâles ou femelles
Qui disent avec précisionles divers états intimes
Ils savent que j’atterrisdans les entrailles de l’auditeur
Qu’autonomeje n’appartiens plus au champ où j’ai germé
Et me laisse digérer assimilerrenforçant les articulations
Tandis que le nyamas’emmagasine dans les clavicules
Favorise la féconditéet fait augmenter la force vitale
Voici ce que représente la parolepour ces êtres clairvoyants :
Manifestation essentielle de l’êtresa projection sonore dans l’espace
Expression de la vie invisible individuelleressort de la vie sociale
Canal par lequel deux « moi »entrent en communication
Émanation de l’êtrepareil à lui dans toutes ses parties
N’est pas grand Donaldl’Opulent à la parole nauséabonde
N’est pas grand Goliathle Géant au verbe suffisant et creux
Seul est grand Davidle jeune silencieux à l’esprit gigantesque
À côté de David le DéfiantDonald et Goliath sont des nains
Seuls sont grandsles taiseux qui cultivent la parole et l’esprit
Voici enfin deux ou trois motsde Balla Fasséké
Le célèbre griotde Sundjata Keita Fils-de-Sogolon
Qui unifia le Maliet imagina la Charte du Manding
Ce que le fer ne peut contre les roisla parole le peut
Ô Fils-de-Sogolonje suis la Parole et toi l’Action
La parole n’est que parolela puissance est dans l’action
Sois homme d’action !Ne me réponds plus par ta bouche !
Demain montre-moi sur le champ de bataillece que tu vaux
Ce que tu veux que je raconteaux générations à venir
Ô Fils-de-Sogolon Kedjuet de Nare-Maghan !
Pour le peuple Ekangje suis le Mvett
Comme le poètecomme son instrument
Mvet c’est la fusionphilosophie et spiritualité
Parole et poésiecosmogonie et musique
Autrement dittoute la culture ekang
Mvett Parole-chantsymphonie où tout chante :
Le soleil et la lune là-hautle village et les oiseaux
L’instrument et l’artistele chœur et les auditeurs
Les héros du récitainsi que les gestes de l’artiste
Bref toute l’œuvrede Maa-ngala L’Auto-créé
Tantôt Parapluie tantôt Parasol
Tantôt Parapluie tantôt ParasolJe symbolise la pluie comme le soleil
Je protège de la pluie comme du soleilLe soleil finit toujours par se lever
La pluie finit toujours par cesser de tomberLe temps finit toujours par passer
Soleil-qu’on-ne-regarde-en-face
Moi Soleil-qu’on-ne-regarde-en-facecelui ou celle qui me regarde perd la vue
Je brille pour tous les êtres vivantsqu’ils soient humains végétaux ou animaux
Je brille pour les êtres visibles et invisiblesTous les êtres quels qu’ils soient
Ont droit à mes bienfaitsLe kasàlà contemporain c’est l’art de m’accueillir
Je suis Spirale ou Mouvement
Je suis Spiraleou Mouvement-ascendant
Je symbolise le dynamismeet le changement
À la conceptionchacun reçoit une part d’énergie
Il lui est demandéde la cultiver l’entretenir l’augmenter
Il lui est demandéde se modeler de s’améliorer sans cesse
Et d’être aujourd’huiune meilleure personne que la veille
Afin qu’à la fin de son séjourdans le tangible et le visible
Il devienne un engrais de choixpour les êtres à venir
Humains ou végétauxminéraux ou animaux
L’essentielc’est l’énergie qu’elle génère et répand
Qui traverse les écranset défie l’espace et le temps
Je suis Fenêtre-ouverte
La colère vitalepour dénoncer la dignité bafouée
Fenêtre-ouverteje laisse passer l’air et la lumière
Quelquefois je ne suisqu’un éclair dans le ciel noir
Quelquefois je suis réduità une fissure dans le mur
Mais j’existe toujoursquelles que soient les circonstances
Je suis la note d’espoirqui conclut le kasàlà d’indignation
Abeille Grand-Signe
Abeille Grand Signe par excellence
dense et complexe image de l’univers
porte ouverte sur le mystère
accès direct et simultané
à une multitude de référents
Depuis ses qualités mathématiques :
géométrie structure rigueur logique et sélection
jusqu’à ses qualités poétiques :
fleur et couleur parfum et saveur beauté et bonheur
en passant par le vol le voyage et la danse
Depuis ses qualités sociales :
solidarité coopération coordination et hiérarchie
jusqu’aux qualités morales :
patience et persévérance
en passant par le travail et l’industrie
Quelle organisation que de discipline
pour donner naissance au nectar des nectars
d’une saveur inégalée
source de santé source de vie
qui a pour nom : miel !
Abeille aux multiples noms :
Nyuki Bee Mbùlùbùlù
Grand Signe entre tous
symbole des symboles
source intarissable d’émerveillement
Oiseau-de-paradis
pétales surgissant d’une longue bractée
crête d’oiseau au long bec
signe du poète du sud au nord
créateur de chants et de rythmes
pétales oranges pétales jaunes
accompagnés de bleue jeunesse
flamboyance de la parole
parole force parole vie
loin de sa verte porteuse
sombre manteau abandonné
voici dans sa splendeur d’or
la céleste musique
et quelle belle origine
le Cap de Bonne Espérance
cap baigné par la double Mer
l’Atlantique et l’Indienne
porté bercé avec amour
nourri des mois durant de pur soleil
jeune frère de Strelitzia Nicolai
le bananier indompté aux pétales de diamant
porte-parole du Réel ineffable
symbole de la louange de soi de l’autre
vive riant Oiseau de paradis
vive Immortelle-beauté !
Kabuta je me suis présenté je me tais
que l’on ne me dise fol
Joyeuse fête à toi
Jacques Mulongo !
(Semaine de grâce)
Mon Cher Jacques
Mulongo Asumini Monza
Précieux compagnon de route
Pont-solide-entre-le-sud-et-le-nord
Lieu-de-rencontre-des-meilleurs-héritages
Croisée-des-chemins-où-siègent-les-esprits
Temple-où-dansent-les-dieux-de-tous-horizons
Epoux-méritant-de-Wamushala-la-Femme-Lumière
Celui-qui-converse-avec-les-Visibles-et-les-Invisibles
Fils-remarquable-de-Nkùlù-la-Femme-à-la-vue-lointaine
Père-et-grand-père-et-médecin-et-poète-et-voisin-de-rêve
Voilà bientôt cinquante ans
Que nous cheminons ensemble !
Quelle chance tout de même !
Que ne sommes-nous bénis !
Voyager de pays en pays
Voyager de culture en culture
Entrer dans la pensée orientale
A travers le yoga et le zen
Vivre en kasàlà art de célébrer
Héritage sublime de l’Afrique
Nous nourrir de science et d’art
De philosophie et d’amour
Vivre l’expérience esthétique
Mûrir aux côtés d’êtres aimants
Voir nos enfants et leurs enfants
Accéder au statut d’aïeux
Nous émerveiller nous éveiller
Bref de notre vivant
Être comblés de tant de bienfaits
Dirons-nous assez notre gratitude
Toi et moi ?
S’agit-il en réalité de chance ?
Non tu illustres cette pensée :
« Dieu esquisse le monde
Et l’Homme le parachève »
Artisan-de-ta-félicité
Tu enchantes ceux qui t’entourent
Tu illustres trois autres pensées :
« Celle ou celui qui est en santé
Crée de la santé alentour »
« Prendre soin de soi
C’est bon pour soi et pour l’autre »
« Rire et chanter, danser et nager
C’est bon pour le corps et pour l’âme »
Te créant sans cesse ô Noble-Être
Tu parachèves la création !
Pour tout cela je te félicite
Je bénis ceux qui t’ont enfanté
Je rends grâce et je me réjouis
D’être ton compagnon de route
Bon anniversaire mon Ami !
Joyeuse fête mon Frère !
On m’a nommé Jean Kabuta
Je me suis nommé Ngo Semzara
Confrère de Zounmenou-la-Fourmi
La Patiente la Déterminée l’Engagée
La-Combative-à-la-morsure-dissuasive
J’ai dit tes noms de force je t’ai chanté
Je me tais qu’on ne me dise fol !
Écho à Jacques
(Coup d’oeil sur le temps)
Merci pour ces vers si pertinentsd’André Foubert
Mon Dieu d’entendre ces nomsme renvoie bien loin dans le passé!
Nous étions de jeunes adultesau corps ferme aux traits harmonieux
Comme est intrigantle temps qui semble passer qui semble vieillir!
L’humain se lamente sur ses jours qui filentOn le comprend le pauvre!
Il y a à peine quelques clignements d’yeuxil était encore
Dans sa deuxièmeou dans sa troisième décennie
Or voilà qu’il est déjàdans la huitième ou la neuvième!
Devenu plus vulnérableil peut à tout moment s’éteindre!
Il est à peine apparu au grand jourqu’il doit déjà disparaître!
Ah il est si bon d’être dans la vie!Or déjà on doit plier bagage!
Comme ce constat inévitable les désolelui et son entourage!
Ignorant la nature du tempsil se sent tellement insignifiant
Quand il compare la durée de sa vieà l’âge de la terre ou de l’univers
Pour ma partje suis praticien de la lenteur
Lorsque je marcheje m’arrête de temps en temps
Je m’arrête je me retourneDepuis une autre perspective
Je vois la réalité déjà visitéemais renouvelée étonnante
Je suis toujours surprisdu paysage qui s’offre
Comme un cadeauà l’œil qui renonce à l’usuel
Je prends donc plaisirà regarder aussi en arrière
Par exemple au temps du film Palaver 4 au temps d’Expo 58
Au temps de ma première fuguequand j’avais à peine 4 ou 5 ans
Et je revois ma mère répudiéequi venait me voir en cachette
Quand je pense à celaquand je revisite ces temps-là
Quand je réentendsles musiques entendues et chantées
Quand je revois les visageset les paysages de l’époque
Tout cela est très loin!Il y a vraiment très longtemps!
Quand je regardemon itinéraire jusqu’à présent
Si touffu si complexecommencé au Congo Belge
Et qui ne représente pourtantqu’une fraction des événements vécus
Tout cela est très loin!Il y a vraiment très longtemps!
Pour le dire autrementj’ai cessé de me préoccuper du temps qui reste
Sachant qu’il est toujours abondantsachant que mon domaine intérieur
N’est mesurableni en longueur ni en largeur ni en hauteur
Sachant qu’il n’est limiténi par l’espace ni par le temps
Quand je regarde le temps déjà vécuquand je rejoins mon enfance
J’apprends que le temps est une donnéeabsolument relative
Je me rends compteque je viens de l’éternité et y retourne
Je me réjouis d’avoir accès en tout tempsà l’absence du temps
Quand je construis mon lukàsàje fais l’expérience étrange et exquise
De descendre au plus profond de moilà où gît le noyau adamantin
Que le suceur de sucre occidental au cœur pétrifiéne sut jamais détruire
Source de la force inébranlablede Muhammad Ali l’Indomptable
Cette zone intime n’est limitéeni par l’espace ni par le temps
Il suffit de la visiterpour se surprendre à nager et à voler
Libre de la pesanteur libre de toute craintepropres aux gens de la surface
Voilà un lieu fait d’énergie et de beautéoù l’idée même de la mort est inconnue
4 Jacques et moi, nous avons joué dans le film d’Émile Degelin portant ce titre, en 1968.
Les existentiaux au cœur du kasàlà
Fils de Ndaayà Lufùlwàbò et de Kambalà Cikèngèlè
Fils de Jacques Derickx et de Jozefien Haazen
Âme venue de l’univers je me suis installé dans un corps
J’en découvre le paysage d’une variété inouïe :
Un cœur des poumons des organes d’une complexité mystérieuse
Des viscères aux fonctions surprenantes
Des muscles des os du sang des ongles des poils
Juste ciel j’ai même des jambes et des bras !
Et j’ai même un cerveau qui voit qui sent qui pense qui s’observe penser
Je suis émerveillé
Mon âme a élu domicile autrefois en Afrique
Hier en Europe et aujourd’hui en Amérique du Nord
Au bord du Saint-Laurent là où l’on peut voir des couchers de soleil
D’une beauté à couper le souffle
Là où habitent mes nouveaux proches
Là où habite le rare Diamant de Rimouski
Qu’on appelle Laetitia la Mère la Sœur l’Amie de tous
Au début je pensais savoir
Plus j’avance moins je sais
Et pourtant je me sens plus éveillé
Je suis mouvement perpétuel
Je Celui qui change sans cesse
Celui qui devient sans cesse
Ma parole sourd du ventre de la terre
Elle émerge lorsque le temps est suspendu
Elle est parole silencieuse qui dit ce que les mots ne disent pas
Elle est poésie qui enchante ma vie qui enchante le monde
Voilà que l’idée de la mort cesse de m’impressionner
Je suis la mort je suis la vie
Je suis le Surpris le Libre l’Émerveillé
Depuis Riki je comprends
Qu’une autre humanité est possible!
Et je consacre ma vie à la transmission.
Kabuta l’Engoulevent
Kùnangidi mùvwàlàvwalà kabutawâdyàkuvwàla cyèbè cikondo
« Ne te laisse pas intimiderpar la tenue de l’engoulevent
Il est possible qu’un jourtu sois aussi élégant »
Si j’étais un oiseaulequel serais-je ?
Résolument l’Engouleventoiseau singulier entre tous
Celui qui retient toujoursl’attention du voyageur
Celui dont le vol dans le cielattire tous les regards
Engoulevent Caprimulgidéssa lignée est claire et noble
Il appartient à l’ordre illustredes Caprimulgiformes
À la classe des Oiseauxau sous-embranchement des Vertébrés
À l’embranchement des Chordéset au règne Animal
Voyageant en Afrique CentraleAndré Gide 5 fut stupéfait
Par un oiseau aéroplanedit Engoulevent à balanciers mâle :
Au crépuscule j’ai vu volerpresque au-dessus de notre case
Un stupéfiant oiseauun peu plus gros qu’un merle
Deux plumesextraordinairement prolongées
Forment de chaque côtécomme une sorte de balancier
Sur lequel il semble prendre appui dans l’airpour des acrobaties d’aviateur
Il ne se montre qu’à la tombée de la nuitet son vol fantasque le protège
Pour Malbrant 6 cet oiseau possèdeun vol très spécial
Qui fait croire à la présencede trois oiseaux superposés
Petit oiseau migrateur nidifiant en Europeet hivernant en Afrique
L’Engoulevent-à-balanciers visite l’Afrique Centralede janvier à juin
Oiseau étrange doncpour le commun des mortels au Cameroun
On le croit à tortresponsable de malheurs dans les familles
Pour enrayer les morts en série de nouveau-néson recourt à différents rituels
À l’enfant préservé on donne le nom Engouleventcomme nom apotropaïque
Sous le nom d’engouleventsont rassemblées une centaine
D’espèces d’oiseauxconstituant la famille des Caprimulgidés
J’ai le plaisir de vous présenterleurs caractéristiques courantes :
Ils se rencontrent pratiquementsur l’ensemble du globe
Petite taille et petite têtebec court recourbé et grands yeux
Ailes larges et longue queuevol agile léger et silencieux
Battements d’ailes rapideset vol parfois stationnaire
Plumage aux couleurs cryptiquescri sonore et répété
Alimentation constituéed’insectes attrapés en vol la nuit
Cosmopolite il vit dans une large variété d’habitatsrarement loin de l’eau
Pendant la journéealors que les autres oiseaux s’activent en tous sens
Eux se reposent sur une branche ou à même le solsans se faire remarquer
Leurs pattes quoique munis de doigts puissants et d’ongles acéréssont si courtes
Que quand ils sont debouton croirait qu’ils sont à genoux
Au Québec l’Engoulevent se rencontredans les basses terres du Saint-Laurent
Normalement solitaire ou en coupleon peut le voir en grands groupes
Pouvant atteindre des centaines d’individuslors de ses migrations diurnes
Quant à l’Engoulevent bois-pourriil est restreint au sud de la province
C’est peut-être aux îles de la Madeleine et à l’île d’Anticostiqu’il va se reproduire
L’Engoulevent lyreaux longues rectrices externes
Vit dans le nord-ouestde l’Amérique du Sud
Figurent parmi les espècesvivant en Amérique :
L’Engoulevent de Carolineet l’Engoulevent Pauraqué
L’Engoulevent aztèqueet l’Engoulevent bois-pourri
L’Engoulevent de la Jamaïqueou engoulevent à lunettes
5 Gide A. 1928 – Voyage au Congo, suivi de Le retour du Tchad. Carnets de route. Gallimard, Paris, 556 p.
6 Malbrant R. 1936 – Faune du Centre Africain Français (mammifères et oiseaux). Paul Lechevalier, Paris, 435 p.
Kasàlà pour
Me Kabuta
Chant I
J’appelle Kabuta Lelààyì Mbiiyè Mwa-Kikangala Elise
Fille de Jean Kabuta Ngèlènjì Bênyì Ntalaja Ngo Semzara
Et de Sidonie Claudine Kikangala Mudioko
Soeur de Ntùmbà Cìbaadìkòngo Soline
De Ndaayà Sara Mwâ-Kabuta la Voyageuse au teint rouge
Et de Kambalà Sola Ngalula qu’on appelle Mandela
Petite-fille de Kambalà Cikèngèlè Ambroise
L’artisan doué que fréquentaient les Blancs
Qui avait ainsi conquis le titre convoité de Colon
Et de Ndaayà Mwâ-Kabuta dite Maamà Sâlà
Celle dont la vie fut l’incarnation de la compassion
Petite-fille de Mudioko Floribert le Musôngye
Et de Lelààyì Mbiiyè la Mukwà Kalonji
Truie-aux-nombreuses-mamelles
Nièce de Dinàngà Mukùnze appelé aussi Jean
Wa Kabàmbà Nsenda Lufùlwàbò dit Camplimbar
Le Maître plein d’intelligence et de bienveillance
Et nièce de Ntùmbà Mùtândà dit Gérard
Le jeune père à l’esprit vif
Chant II
Le temps me manque
Pour évoquer comme il se doit
Citenga Ntâmbwà et Ntùmbà wa Kààmudìmbà
Lufùlwàbò Simon et Cimbu Anna Mwâ-Kabàmbà
Tes amples et illustres arrières-grands-parents
Etres de bonté de rêves d’action et de vision
Dont chacun se souvient avec émoi
Le temps me manque
Pour retracer comme il faut
La noble et magnifique lignée
De la grande Femme de lois que tu es
Diplômée de l’Université Libre de Bruxelles
Lieu de l’expression libre et de la libre pensée
Foyer de l’intégrité morale et de la tolérance
Du souci de l’autre bref de l’humanisme
Tu es issue de l’École de Bruxelles
Là où la pensée ne se soumet jamais
Sachant que se soumettre c’est cesser d’exister
Et d’où sortent depuis le dix-neuvième siècle
Les meilleurs esprits de leur temps
Je célèbre ce jour
La Maître en droit
Originaire de Kapàla
De Lukèlèngè et de Cìtèngà
Là où les filles et fils méritants
De Cimbaayi et de Mpwanga
Se nourrissent fiers de bœufs
Alors que partout ailleurs
L’on se contente de mfumbwà
Le Héron
(Les animaux qui avaient oublié leur nom)
Et toi beau Héron tu es
Héron-au-vol-majestueux
Tu es le plus léger de mes hôtes
Et tu montes au-dessus de la mêlée
Tu es Celui qui vole et voit loin
De plus tu as une si belle voix
Tu enchantes mes oreilles
Avec ton chant joyeux
Échassier de taille respectable
Tu es de la noble famille des Ardéidés
Ton cou grêle et long dessine la lettre S
Ton bec orangé allongé et conique
Évoque un poignard redoutable
Si tu installes ton héronnière dans
Les bois et bosquets en zones humides
Tu es Ichtyophage invétéré qui fréquente
Les étangs les lacs les rivières et les fleuves
Là où tu fais bombance de proies aquatiques
Et surtout de poissons de toutes espèces
Le majestueux fleuve Saint-Laurent
Se félicite de t’avoir comme
Hôte de marque
Justement Héron étincelant
Tes nobles semblables portent tous
Des noms de force merveilleux tels que
Héron-coiffé Héron-vert Héron-flûte-du-soleil
Héron-garde-bœufs Héron-Goliath Héron-impérial
Grand-Héron Héron-à-tête-blanche Héron-cendré
Héron-strié Héron-typhon ou Héron-pourpré
Et d’autres noms poétiques remarquables
Les yogis exercés
Pratiquent bakasana
Ou la posture du héron
D’autres mettent longtemps
Pour apprivoiser vrikshasana
Autrement dit la posture de l’arbre
Que toi tu pratiques tout naturellement
Des heures durant et le regard fixe
Surveillant le mouvement de l’eau
Toi Pêcheur hautement patient
Et toujours récompensé
Je te salue je t’admire
MJB, d’origine suisse allemande, est ma première compagne. Nous avons vécu ensemble de 1969 à 1981, dans une relation enrichissante sur les plans intellectuel, spirituel et culturel. Nos vues ont cependant commencé diverger, surtout après notre voyage au Congo en 1980, sur la nécessité de fonder une famille, qui était devenue de plus en plus importante pour moi. Par ailleurs, quoique fort instruite, avec deux licences, en philosophie et en psychologie, plus une forte culture musicale, elle a fini par représenter pour moi le côté le plus sombre de l’Occident : sa morosité, sa propension à la détresse, associées à un fonctionnement hyper-compliqué. Il n’empêche que j’ai une gratitude infinie pour cette femme d’une grande générosité.
Goéland-argenté
Goéland Argenté mon nom de famille est Laridé
J’appartiens au genre Larus
Les Bretons les premiers me nommèrent Guelan
Je suis l’ami de Lubuta l’Engoulevent-pensant
Auteur de kasàlà ou l’art d’être soi et d’être vivant
L’art qui rend l’Homme et le monde plus humains
Station d’épuration et de retraitement
Des émotions des regards des pensées
Sur les expériences sur les gens sur le monde
Je suis Kasàlà je suis Station alchimique
Qui transmue névroses blocages abus
Et autres contenus infâmes en tremplins
Je suis Chant sacré qui célèbre la vie
Dans ses surgissements incessants inattendus
Depuis l’apparition du temps jusqu’à sa dissolution
Chant du lien entre les êtres et les univers
Où vie et mort ici et là toi et moi ne font qu’un
Unité primordiale d’où tout émane
Voilà qu’apparaissent la Conscience
La Présence et la Liberté d’être
Et que l’homme s’envole du passé au Futur
Perché sur les toits là-haut
Je vois large et loin
Là où l’œil humain n’arrive
Je contemple l’espace sans fond
Au-dessus de la terre
Et je vole jusqu’à l’horizon
Depuis là se déploient
De nouvelles immensités
Et de nouveaux horizons
Pauvres humains !
Ils passent leur vie à philosopher
Et à souffrir de la conscience du temps !
Ils ont tant de soucis
Qu’ils ne trouvent pas le sommeil
Vivre est pour eux un problème insoluble
Dans leurs écoles ils n’apprennent
Ni à chanter ni à rire ni à célébrer
Ni à parler ni à aimer ni à vivre
Ils apprennent seulement à gonfler leur ego
A compter à se défendre à dominer
A consommer à se distraire à s’oublier
Ils sont encombrés de peurs et de chaînes
De croyances d’objets divers et d’eux-mêmes
Et ils se chicanent sans cesse dans leur enfer
Ils se lamentent
Parce qu’ils n’ont pas ce qu’a leur voisin
Ignorant les trésors en eux
Certains me détestent parce que je suis différent
Ils ne voient que mes défauts
Ils restent aveugles devant mes grandes qualités
Nos lunettes ne nous montrent pas tout
Lunettes d’autrui. L’un voit. L’autre ne voit pas
Autrement dit : On ne voit bien qu’avec ses propres lunettes
De plus nos lunettes ne nous montrent pas tout !
Je suis à la fois écriture et oralité
Je suis rythme et musiquequ’on ne se lasse d’écouter
Toujours je suis œuvre sonoreJe dois être chanté et entendu
Par les divers vivantset les défunts qui ne sont jamais morts
C’est dire que j’ai toujoursbesoin des oreilles de quelqu’un
C’est l’occasion pour moi aussid’entendre ma propre voix
J’ai toujours besoin de l’autrej’ai besoin de témoins
C’est que je suis à la foisécriture et oralité
S’arrêter de temps en temps
Nous devons nous arrêterde temps en temps
Pour permettre à notre âmede nous rejoindre
Quand je m’arrête ainsije fais toujours un rêve
Je rêve que je marche à grands pasnage ou vole
Composer un lukasàc’est s’arrêter se rejoindre
C’est se retrouverlà où l’on est inaltérable
La création d’un lukàsàprovoque elle aussi
Le rêve de légèretél’expérience de la liberté
L’arrêt régulierc’est la méditation
Il donne tout son sensau rituel
Un siège pour chacun
Nul n’a plus de droits qu’un autreIl y a un siège pour chacun
Toute personne quelle qu’elle soitpossède une place sous le soleil
Chacun est chez soi sur la terreC’est ce que rappelle le kasàlà
De la poésie à l’action
Élève de l’école africainepuis de l’école orientale
J’entrai à l’école de la Fraternitécomme apprenti
Ce jour-là je renaquisdans un espace clair et aéré
Sur les 2 colonnesdes frères parés de leurs décors
Je vins muni d’outilstenant dans une main un ciseau
Tenant dans l’autre un mailletpour façonner les pierres
Quelles qu’elles soientqu’elles soient brutes ou carrées
Qu’elles soient tendres ou durespetites ou grandes
Progressant dans mon initiationj’accédai au grade de compagnon
Instruit par de braves maîtresj’accédai bientôt au grade de maître
Travailler ces matièresopaques ou transparentes
Extraites du solou qui constituent les flancs escarpés
Ciseler la matière bruteavec détermination et patience
Lui donner une forme précisereflet de la vérité perçue
Agencer les pierresdans un vaste ouvrage doté de sens
Secondé du frère-amisecondé de la sœur-amie
Voilà comment je vis ma viejour et nuit
Aux matériaux épars posés làpar l’Architecte-Suprême
Qui est à la fois femme et hommeque certains appellent Dieu
Et d’autres Unkulunkuluet d’autres encore Shààkapàngà ou Imana
Et qui porte une infinité d’autres noms encoretous cependant inadéquats
Pour nommer l’incommensurable qu’il estet le mystère qui l’entoure
À ces matériaux doncdonner une forme neuve une forme humaine
Autrement ditconstruire ensemble un temple et participer ainsi
À la création du mondeVoilà pourquoi je suis né à nouveau
Chaque matin ajuster mes outilschaque soir les laver et les faire briller
Les ranger soigneusement sous mon litafin qu’ils illuminent mes rêves
Libre poète je sais une seule chose :penser !
Libre poisson je sais une seule chose :nager !
Libre oiseau je sais une seule chose :voler !
Et je vole sans répitallant de cime en cime
Annonçant au dormeurle lever du jour !
Je suis descendant du Potier-primordialCelui qui imagina l’Univers
Et qui ne cesse d’esquisser ses œuvresÔ homme quelle noble mission
Que celle de poursuivre la créationcelle de se recréer soi-même !
Dès le lever je prends mes outilsJe manipule le ciseau tranchant
Taillant droit taillant de biaisfaisant sauter les éclats alentour
Éclate aussi le moi illusion du profanebulle remplie d’incohérences
Et de contradictions et de peursbulle d’air oublieuse de son essence :
La fragilitéqui est telle qu’une aiguille un virus la fait voler en éclats
Sur les débris du moiériger une pyramide massive
De pierres retravailléesune pyramide équipée d’ailes
Qui échappe au temps inexorablequi traverse les orients
Voilà la mission du poèteCelui-qui-casse-pour-reformuler
Que fait le poète diseur par excellencecelui qui dit ce qui est au-delà des mots
Sinon détruire les formuleset les concasser pour laisser entrevoir l’autre rive ?
Étendre le chantier depuis le templejusque dans sa demeure privée
La chambre où pénètre seull’analyste ou le confesseur ou l’initié
Y demeurer depuis le matin jusqu’au soirà œuvrer inlassablement
Il est plus facilede construire une fusée
Et d’aller sur Marsque d’émonder son cœur
De vaincre le monstre en soiDevant ce constat
Échapper à la tentationde la désespérance
Et continuer de manipulerles outils d’acier
Le tailleur de pierres devientla pierre qu’il taille
Loin de la logiquedictée par la monture de lunettes
Nos lunettes encadréesqui ne nous montrent pas tout
Je suis Lukàsà
Aide-mémoire je suis Parole-révélatriceet Parole-action
Je me fais volontierslukàsà contemporain inspiré des bambudye
Je suis autobiographie poétiqueje dis la vie dans ses tours et détours
Dans ses interconnexionsavec les êtres la terre les astres les ancêtres
Et je raconte le récit épiquede la personne ce joyaux de la création
Voyez donc le lukàsàde Michelle Dyett-Welcome la Redressée
Solennel festif décoratiforné de bijoux de fleurs et de rires
Voyez aussi le lukàsà lumineuxd’Andrée Déry la Résolue
Qui nous révèle de grands espacesparsemés de clés
LUKÀSÀ CONTEMPORAIN
OU LUKASÀLÀ
Aide-mémoireou plus exactement Lukàsà contemporain
Je suis originairede la République démocratique du Congo
Au cœur de l’Afriquelà où poussent le cuivre le cobalt l’uranium
Ainsi que mille autres minerais précieuxsans parler d’aliments variés
Offerts en abondancepar la Terre-Mère-et-Père alliée au Soleil à l’Air
Alliée au Lwalaba majestueuxparmi mille cours d’eau qui dansent
La RDC c’est le champ privé d’ImanaLe Cultivateur-Suprême
Qu’on appelle aussi ShààkapàngàCelui-qui-crée-sans-cesse
La RDC est pillée sans pitiépar des hordes d’envahisseurs
Je proviens des discrets Bambudyeinitiés qui se rencontrent en loge
Pour proposer les solutions appropriéesaux conflits dans la société
Pour contrôler le pouvoir du roiet assurer diverses responsabilités
Voici l’épopée de Kabuta Bênyìdit Monfrère dit Jandhi
Fils de Kambalà Cikèngèlèautrement dit Colon Fils-du-lion
Et de Ndaayà Lufùlwàbòqu’on appelle Maamà Sâlà MwâKabuta
Petit-fils de Cimbu MwâKabàmbàet de Lufùlwàbò Simon le Taciturne
Petit-fils de Citenga Ntâmbwàet de Ntùmbà Cìbaadìkòngù
Qui vivaient à Kapàlà au mont Nnyemvwàle pays des Ndoba
Grand-frèrede Bora Mishika Esther l’Attentive l’Inoubliable
De Ndààyà André de Ntùmbà Mùtândàet de Kambalà Oscar
Grand-frère de nombreux autressœurs et frères vigoureux
Neveu séquestréde Maître Paul Camplimbar l’Interlocuteur
Il naquit par miracle à Kaminad’une femme qu’on disait stérile
Qui faillit d’ailleurs mourir en couchespour que lui puisse vivre
Preuve pour les médisantsqu’elle n’était pas faite pour être mère
Il avait à peine goûté au lait maternelque sa mère fut répudiée
Il fut malmené depuis le berceaupar une marâtre après l’autre
Est-ce étonnant qu’on l’ait surnomméBênyì ou l’Étranger ?
Devenu fils spiritueldu Père Guido Haazen le Maître de chant
Par les hasards de la vie intelligentequi le mit sur le bon chemin
Il sut s’échapper et vola dans les airsjusqu’à l’autre côté du globe
Il devint le fils adoptif choyéde Jacques et Joséphine Haazen-Derickx
Des êtres remplis de bontéqui vivaient à Anvers au bord de l’Escaut
Et avaient une seule filledu nom de Jeanne épouse de Frank Zwijsen
Des êtres hospitaliers et compatissantsqui surent essuyer les larmes
Et étancher la soifdu jeune Kabuta l’enfant d’Afrique trop tôt sevré
Son adolescence fut nourriede voyages d’étude de musique d’amour
Il devint élève-et-disciple bénide Paul Colmant le Mathématicien
Il devint frère et ami de Jacques Mulongoyogi et futur médecin
Initié à diverses pensées :l’occidentale l’orientale et l’africaine
Il créa lui-même une pensée originale :le kasàlà contemporain
Marié par inadvertanceil eut une heureuse surprise et devint
Père de Ntùmbà Cìbaadìkòngù l’Esthètequi vit à Dubaï l’Élue
De Ndaayà MwâKabutala Persévérante Mère de Noah et Soan
De Lelààyì Mbiiyèfine Avocate et Mère de Zoé Mère de Sacha
Jean Kabuta Auteur-de-lukasàlà-et-de-kaslamdonna aussi la vie
À Kambalà Ngalula Sola MandelaArtiste de la table et du palais
Émigrant qui émigra depuis l’invisiblevers la planète Terre en Afrique
Puis de l’Afrique devenue hostileà l’Europe chaleureuse et accueillante
Puis de l’Europe ancienne colonisatricevers l’Amérique nouveau monde
En attendant la 4ème et ultime émigrationvers l’invisible d’où il était issu
Kabuta est allé d’initiation en initiationavant de devenir le compagnon
L’époux bien veillé de Jeanne-Marie Rugirala Grande et Noble Dame
Fille aînée de Christiane Mujawingomaet d’Amandin Rugira le Sage
Mère de Marie-Ange Niwemugeniet de Yannick Shimwa le Rieur
Comment mentionnertous les êtres chers liés à Jean Kabuta
Frère des gens d’Afriqued’Europe d’Amérique et d’ailleurs
Frère de plantes et d’animauxéparpillés sur toute la terre
Je ne saurais les mentionner toustant ils sont nombreux
Comment me présenter moi-mêmeen quelques mots ?
Comme tout être vivantje suis tellement complexe !
Il y a les choses qu’on voitet celles qu’on ne voit pas
Il y a les choses qu’on saitet celles qu’on ne sait pas
Je suis fait de fragments d’histoired’images et d’idées
De symboles et autres signesqui mènent à la lumière
Qui mènent à l’éveilme donnant accès à moi-même
Et provoquant des rêvesoù je vole parmi les oiseaux
Je me reflète dans ma totalitédans un lukàsà minuscule
Comme le firmament entierse reflète dans la mer bleue
Comme il se reflète mêmedans une goutte de rosée
Je suis le PhénoménalCelui-qui-se-voit-s’observant
Support de connaissancesparent du mutánga
Que l’on appelle aussicorde à proverbes
Je suis loyal Aide-mémoirepour l’initié
Le Voyantqui lit les livres fermés
Des pans entiers de mes entraillesont suscité des kasàlàs fleuris
Pour dire leur force et leur beautéleurs rêves et leurs promesses
Me traverseun long fleuve sinueux et multiforme
Ici c’est le Nil bicolorené dans les lacs Victoria et Tana
Qui se déverse dans la Méditerranéeau nord de l’Égypte
Le Nil rendit possiblel’essor de la civilisation égyptienne
Là-bas c’est le beau Lwalabané dans le grand rift est-africain
Qui baigne l’immense RDCet se jette dans l’océan Atlantique
Plus au nord c’est la Meusequi accueillit Kabuta pendant 50 ans
Depuis bientôt dix ansc’est le Saint-Laurent havre de hérons
Issu des Grands-Lacsqui séparent les États-Unis du Canada
Ce fleuve rejoint l’Atlantiqueen passant par Rimouski
Là où se dressel’école du kasàlà contemporain
Le fleuve méandreux relieles différents secteurs de mon être
C’est le système nerveuxqui irrigue l’ensemble de l’organisme
C’est la longue corde fermée d’un côtéet ouverte de l’autre côté
Où s’enfilent sans cessede nouveaux événements et expériences
Elle exprime la complexité le mystèrede la trajectoire humaine
Qui me conduit toujours au bon endroitquand je suis à l’écoute
C’est enfin le chemin étroitqui veut qu’on se mette à l’écart
Pour que l’autre puisse passerpour qu’il puisse apparaître
Je raconte tantôt tout droittantôt par des détours
Ma propre histoirecomme l’histoire de celles et ceux
Qui ont séjourné avant moisur la planète Mère-et-Père
Riche en air en mers en minérauxfavorables à la vie
Je raconte ma propre histoirequi change sans arrêt
À travers toponymeset anthroponymes renforcés
Associant conceptsimages et symboles expressifs
Qui évoquent tout ce envers quoij’ai de la gratitude
Qui évoquent tout ce à quoi je suis reliéet qui fait sens
Notre Terre qui regorge de ressourcesc’est le cœur
Et les poumonsqui insufflent de la vie à chaque cellule
C’est le support solide et rassurantde toute la structure
Pour cette raison arrêtez-vous un instantpour écouter
L’Hommage à la Terreœuvre d’un poète de Rimouski
Nommé Jandhi l’Émigrél’Inspirateur venu d’ailleurs
Le Nommeurqui nomme adéquatement le Réel
Lukàsà contemporainje suis en même temps
Planche à proverbesplanche à symboles
Planche à citationset planche à poésie
Je renvoie l’êtreau plus intime de soi
Et lui révèlel’inviolable qu’il porte
Et qui résisteaux intempéries
À son fils aînéà qui le destin avait réservé un destin spécial
Ndaayà la Clairvoyantedonna le nom prémonitoire de Kabuta
Oiseau crépusculaire membre de la grande familledes Caprimulgidés
Aux pattes courtes certesmais aux doigts puissants munis d’ongles acérés
Ceux-qui-chassent-la-nuitCeux-qui-veillent-pendant-que-d’autres-dorment
Oiseaux discrets au vol silencieux aux grands yeuxles Caprimulgidés excellent
Par leur diversité :Engoulevent-lyre des Andes Engoulevent-à-traîne du Brésil
Engoulevent-porte-étendard Engoulevent-à-balanciers d’Afriqueet bien d’autres
Endémiques d’une zone ou migrateursils vivent sur l’ensemble du globe
Aimant la proximité des points d’eaules milieux aérés ou les friches
Où leur plumage cryptiqueles protège de leurs prédateurs vigilants
Tendez l’oreille écoutez le chantde celui qu’on appelle aussi
Lubuta MàlèmbelelèLubuta-Màlènjì-à-la-vision-nocturne
Celui qui se reproduit en Europeet hiverne en Afrique
Le Voyageur qui arriveles bras chargés de cadeaux
Le Messager attenduPorteur-de-bonnes-nouvelles
Qui annoncele retour de la pluie et de l’abondance
Profitez-en chers amispour écouter les kasàlàs dédiés
À Jandhi Miroir-étincelantqui vous révèle à vous-mêmes
À Jacques Derickx Le-MagnanimeCelui-qui-essuie-les-larmes
À Joséphine Derickx Le-Cœur-blancqui devint la mère de cœur
À Guido Haazen le Franciscainle Frère de Mozart et des Anges
À Jacques Mulongole Médecin qui restaure la quadruple santé
Celle du corps et celle de l’âmecelle du lien et celle de l’esprit
À Ndaayà Lufùlwàbò Sâlà MwâKabutala Mère-Amie de Jandhi
À Kambalà CikèngèlèCelui qui séduisit Ndaayà pour accueillir
Le fils venu s’incarner dans leur foyerporteur de pensées nouvelles
À Kabàmbà Lufùlwàbò Nsendacelui dont le nom de gloire est Maître
À Jeanne-Marie Rugirala Femme-Monument la Femme-Phénoménale
À l’Araignée Tisseuse-de-pontsà la Pieuvre-aux-bras-bourrés-de-neurones
Au Baobab-au-bois-tendrequ’on ne peut encercler qu’on ne peut déraciner
Au Temps que nous traversonsthème du kasàlà : « Tout cela est bien loin »
À Rimouski-la-Ville-du-bonheurà la Chauve-souris-aux-grandes-oreilles
Et à bien d’autres êtres étonnantsqui disent l’intelligence de la Terre
Sans parler de la « Semaine de grâce »où Bach respire vivant
Sans parler de « La Voie »qui célèbre Johann le Silencieux
Sans parler des kasàlàs aux enfantset aux petits-enfants
J’évoque les chantsdédiés aux actions aux projets aux rêves
Je convoque l’ubuntu le kasàlàainsi que le vent le soleil l’eau
Et tous autres concepts vivifiantsélaborés au cœur de l’Afrique
Être le plus singulier qui soitje ne saurais être confondu avec un autre
Car chaque histoire est uniquechacune correspondant à un algorithme
Reflet de l’interconnexionentre les humains dans leur infinie diversité
Entre tous les habitants de la natureet entre les constituants de l’univers
Entre les phénomènes qui se déroulent iciet ceux qui se déroulent ailleurs
Je suis symbole complexeque sait interpréter la personne à l’esprit exercé
Lukàsà je décris une trajectoireet j’engendre un ou plusieurs kasàlàs :
Kasàlà de soi ou de l’autre ou du territoireou kasàlà de la colère vitale
Kasàlà écho ou rituel ou kasàlà épiqueJ’appartiens à la même famille
Que le kasàlà contemporainpuissant héritage de la pensée africaine
Lorsqu’on m’observeon distingue des territoires particuliers :
La ville de Kamina en Afriquela Belgique au cœur de l’Europe
La suave ville de Rimouskitout en haut de l’Amérique du Nord
Ainsi que des territoires mystérieuxd’où l’on vient et où l’on va
Tout cela au milieude multiples événements et lieux signifiants
Lorsque je parle de moije provoque des résonnances diverses
Grâce aux questions et commentairesje continue de me parfaire
Quoique concentré sur une seule pageje suis un vaste champ
En moi se trouvent parsemésdes pensées de toutes les couleurs
Des symboles, clés qui donnent accèsà d’autres plans de la réalité
Où ne conduit la parole ordinaireoù tout est signe allusion et intuition
Là où foisonnent des imagespour nourrir pour renouveler l’imaginaire
Là où des segments droits côtoientdes segments courbes ou invisibles
Surtout je suis constitué de chiffres de 0 à 9et d’une trentaine de lettres
Inventés en Orientet capables de dire toute l’expérience de l’univers
Pour tout dire je suis support de méditationet de remémoration
Je renouvelle le discours intimeet aiguise la conscience d’être
Jean Kabuta j’ai exposé mon autobiographiesans rien dissimuler
L’essentiel est jeté là sur le lukàsàdepuis mon émigration initiale
Par laquelle je suis entré dans le mondevenant de l’invisible
Jusqu’au monde actueloù je me consacre à la transmission
De jour en jour je m’éveilleet je prends conscience
Du temps que je porte dans mon corpsà chaque instant
Je visualise les êtres et les actionsbénéfiques et inspirants
Alors je n’ai pas d’autres choixque de dire ma gratitude
Voici soixante années déjàque ma deuxième émigration
M’a conduit depuis l’AfriqueBerceau chaleureux de l’humanité
Jusque dans la froide Europe occidentalequoique riche de merveilles
Ma troisième émigrationm’a conduit depuis l’Europe rêvée autrefois
Jusque dans l’Amériqueterre des Dakotas des Micmacs des Abénakis
Et autres peuples connectés à la Terrequi conversent avec la nature
On se croirait en Afriqueoù l’humain n’a pas le monopole de la vie
Là où la Terre et les êtres qu’elle hébergesont nos frères et sœurs
J’ai une gratitude immenseà l’égard de quelques lieux particuliers:
Kamina Escale-initialeoù j’ai fait la rencontre de Mozart l’Initiant
Tervuren Monde-de-musique-et-de-rêvesPorte-ouverte-sur-l’impensé
Anvers Foyer-d’amour Foyer-de-beautéLà-où-la-vie-retrouve-du-sens
Bruxelles Berceau-du-savoirLà-où-l’on-passe-de-la-nuit-à-la-lumière
Nivelles Clairière-dans-la-forêtLà-où-la-mère-retrouve-son-fils-aîné
Là-où-des-enfants-commencent-à-naîtrepour embellir la Terre-mère
Feluy Camp-d’initiationriche en épreuves pour l’homme en devenir
Gand Ville-d’enseignementoù voit le jour le kasàlà contemporain
Et Rimouski Champ-d’envolpour la diffusion et la transmission
J’avance patient et curieuxvers ma prochaine et ultime émigration
Qui me ramènera peut-êtredans le Point d’interrogation initial
Ou ailleurs il n’importeà travers de nouvelles métamorphoses
Moi Lombric ou Ver-de-terre
Moi Lombric mieux connusous le nom de Ver-de-terre
Certains me croient à tort insignifiantalors que je suis l’Essentiel
J’appartiens à l’une des sept mille espèces et plusdites espèces ingénieurs
Toutes acteurs majeursdans la régularisation des cycles des nutriments
Dans la structuration et l’entretiendes propriétés physiques des sols
Des géodrilologues de différents horizonspassent leur vie entière
À essayer de comprendrema nature et mon œuvre sous la terre
Moi Ver-de-terreLe-Vivant-gorgé-de-puissance-de-vie
Je suis Celui-qui-se-régénère-depuis-chacun-de-ses-atomes
Je suis Celui qui enseigneque toute vie sur cette terre a un sens
Je m’appelle Fán ou Connaissance
Symbole graphique initiatiqueissue de l’Afrique de l’Ouest
Je m’appelle Fán ou Connaissanceen langue bambara du Mali
Je suis véhicule de la penséeélaborée depuis des millénaires
Je symbolise la connaissanceet la plénitude de l’être
L’initié en devenir me découvrepour accéder à l’ouverture
Et pour se préserverde l’accumulation des connaissances inutiles
Pour cette raisonje suis aussi symbole du remplissage
Pour la collection« Pensée et perspectives africaines »
Je symbolise la diffusiondes connaissances venues d’Afrique
Afin de contribuerà l’enrichissement de l’humanité
Le Grand Signe
(Extrait)
Du symbole vient la vie
Grâce au symbole il y a des survivants
Après le symbole, c’est le symbole qui explique mieux
Voici le « Grand Signe ».
Le « Symbole des symboles » !
Quiconque entre dans le gouffre bavant
En sort ridé.
Le symbole est une corde
Il est l’émanation du vide-plein.
Il n’est pas création mais créateur
Il enveloppe et développe la vie.
Le symbole est une corde
On ne peut le comprendre mais le sentir
Il lie et délie l’univers.
Il est la parole de la forêt
I est le lit des eaux
Il est la langue des savanes.
Le symbole est une corde
Il sécurise et rassemble les bûches
Par ses mouvements
Il fait descendre les étoiles au sol
Et fait monter la poussière au firmament.
Le symbole est une corde
Il est à la fois raide et flexible
Ses extrémités sont les objectifs
Tant personnels que collectifs.
Le symbole est une corde
Il apprivoise et dévoile l’homme
Il le spiritualise par perspicacité d’esprit
Il l’animalise par ignorance.
Le symbole est une corde
Celle qui forme une tête
Celle qu’on ballote dans tous les sens
Le symbole est tout
Le symbole est rien. 7
Laissons la parole à SakasakaHéros-qui-mit-le-monde-en-ordre
Héros assoiffé de connaissanceissu de la région des Grands-Lacs
Je m’appelle Sakasaka Yangoje proviens de Womosongo
Domaine de la Voix Permanenteet de la Lumière Immuable
Parti jadis des entrailles de la Terreà la recherche de la Vérité
J’ai atteint Elembetelo le Grand-Signedit Source-des-Symboles
J’ai atteint le Lieu-de-la-remise-au-pointJ’ai atteint aussi Anako
Le Pays de la Connaissanceoù brillent les Grands Luminaires
Devenu Itapé La Petite-Brancheissue de mon propre être
J’ai reçu l’initiationet j’ai mis le monde en ordre
L’Humain aspire à connaîtreles causes de tout ce qui est
Doté d’une extraordinaire faculténommée imagination
Il imagine de magnifiques fictionset autres récits sacrés
Préférant une explication fabulée ou une croyanceà l’absence d’explication
En vertu de cette parole rassurantede Jacques Mulongo le Médecin-poète :
Mieux vaut des cheveux blancs qu’on aque des cheveux noirs qu’on n’a pas !
7 (Faïk-Nzuji, Cl., 2004:45-46. Les traces du Grand Signe. P.I.E. Peter Lang)
Échange avec un inconnu
Me voici Kabuta-wa-Ndaayà L’ÉphémèreContingence surgie dans la vie fragile
Selon je ne sais quel algorithmeTantôt attentif tantôt distrait
Je pourrais disparaîtred’un moment à l’autre
Et regagner le Silencedont je suis issu
Je pourrais en un clin d’œilquitter la vie aventure phénoménale
Et me réduire à quelques tracesà travers des mots épars dits noms poétiques
J’ai la faculté de m’incarner et de me désincarnerà tout instant
Voici quelques événementssurvenus entre le 8 et le 12 août 2021
Et qui montrent la viedans ce qu’elle a de plus inattendu de plus surprenant
Je dédie ces motsà Madeleine Timmermans la Sage-Femme
Sœur de la forêt et des rivièresnièce des saumons et des cerfs
La Vivante exemplaireCelle-qui-se-laisse-modeler-par-la-poésie
Celle qui sait que la viequelle que soit sa durée et son support
Mérite d’être vécue arrosée et aéréerenforcée et célébrée
C’est le soir d’une superbe journée estivaleJe termine ma marche quotidienne
Le long du fleuve et de la rivière fraternelsvéritables bénédictions pour l’âme
Qu’ils sont fortunés les Rimouskoisd’être si bien entourés si bien portés !
Je m’apprête à traverser la chausséeJ’attends que les feux m’y autorisent
Un homme d’environ 70 ans arriveNous nous saluons
Il me diten appuyant sur le dernier mot :
« Vous êtes BEAU ! Vous êtes BEAU ! »Je suis surpris
Nous échangeons juste deux ou trois motsle temps de traverser la chaussée
C’est-à-dire une quinzaine de secondes !Une fois sur l’autre trottoir
L’inconnu intriguantcontinue son chemin et moi le mien !
Je m’examine pendant plusieurs minutesJe ne vois pas ce qu’il lui semble si beau
Je ne trouve rien de spécial à mon sujet :Je suis habillé comme tout le monde
Je subis comme tout le monde l’agression du temps !Je finis par me dire :
« Ce ne peut être que mon visage »Justement je ne peux le voir moi-même
Le meilleur miroir du mondene saurait jamais me le montrer réellement !
Quelle expérience !C’est donc l’autre qui m’informe sur moi-même !
C’est l’autre qui me révèle à moi-même !Et de me remémorer ce proverbe bantu :
« Umuntu ngumuntu ngabantu »Je n’existe que par la médiation de l’autre
Autrement ditl’autre est témoin de mon existence !
À ma naissance il me donne un nompour attester que j’existe
Quant à moi je le croisJe consens à lui faire confiance !
Je perçois chez lui une invitation bienveillanteà être fidèle à ce qui transparaît
L’invitation à prendre soin de ce qui me dépasseJ’accepte la responsabilité
D’héberger cette présenceplus grande que moi
Ce passant fait de moi un modèle de beautéIl fait un idéal de l’être que je suis !
Joyeux Anniversaire Jeanne-Marie !
Ce 7 septembre 2021
Nous nous remémorons avec joie
La venue au monde de Femme-Monument
Qu’on appelle communément Jeanne-Marie
Aînée de neuf sœurs et frères tous excellents
Éparpillés en Afrique centrale en Afrique du Sud
En Europe occidentale ainsi qu’en Amérique du Nord
C’est la Fraternelle qui agrandit sans cesse sa famille
De chaque voyage extérieur ou intérieur elle revient
Enrichie de nouvelles sœurs et de nouveaux frères
De toutes les couleurs de toutes les formes
Toutes et tous d’une grande beauté
Image de l’humanité rêvée
En voici deux ou trois
Parmi les plus remarquables
Perles de son dernier voyage
À Darwin où l’avenir se réinvente
À Climax Africa où se réinvente
Un nouvel imaginaire commun
Ainsi que de nouvelles alliances
Pour le monde à venir
Saluons Hervé Soumouna Ngoto Assossa
Le nganga-puvi qui connait les secrets du bwiti
Le magnifique Pygmée-aux-astuces-époustouflantes
Celui qui se promène avec sa forêt dans une main
L’homme connecté par excellence issu du cœur de l’Afrique
Savant qui sait que chaque parcelle de la nature est animée
Celui qui parle aux animaux aux végétaux et aux minéraux
Le soignant qui révèle les êtres à eux-mêmes et au monde
Assossa frère de cœur de Sabah Rahmani l’anthropologue
L’amie bien-aimée des peuples racines gardiens de la terre
Celle qui rappelle à l’humanité que les peuples autochtones
Nous tendent la main dans un plaidoyer pour la terre
Saluons Gaston-Paul Effa Esprit-clairvoyant
Formé à l’école occidentale et hébraïque
Assez sagace pour élire la nature et ses habitants
Comme maîtres à penser et maîtres initiateurs
Gaston-Paul le frère-ami de Gabriel Okoundji
Le poète soignant à la vision de l’aigle
L’être inspirant qui honore les ancêtres
L’homme intègre qui partage généreusement
La noix de kola comme ses multiples enseignements
Saluons Felwine Sarr ami d’Achille Mbembe
Tous deux initiateurs des Ateliers de la pensée
Où l’on tente d’aller au-delà de la Technosphère
Où l’on pense le monde d’aujourd’hui et de demain
Où l’on remet l’Afrique à sa juste place
Invitons Etienne Minoungou
Le comédien conteur de grand talent
L’initiateur des Créations théâtrales panafricaines
Frère-ami de Simon Winse le flutiste au souffle long
Musicien doué qui joue de la Kora comme un dieu
Et qui féconde le monde avec la musique du pays San
Saluons Blick Bassy le fabuleux auteur-compositeur
Producteur guitariste et percussionniste camerounais
L’Africain éclairé qui assume ses racines et son héritage
Tout en restant généreusement ouvert sur le monde
« Dis-moi qui tu fréquentes je te dirai qui tu es » dit-on
Jeanne-Marie c’est la Vivante de mieux en mieux entourée
Qui ramène ses rencontres ravissantes dans sa communauté
Afin que ceux qui n’ont pas eu la chance d’aller en voyage
Goûtent eux aussi aux fruits savoureux de la fraternité
Merci à Femme-Continent qui est partie en voyage
Et qui revient les bras chargés de cadeaux
Pour chacun de ceux qui sont restés
Joyeuse fête
Belle et grande Dame
Soleil-levant !
Je suis aussi Être-plastique 8
Dans le kasàlà contemporainissus du kasàlà traditionnel
Le vers et ses figures ne sont pasles seuls moyens d’expression
On peut parler avec des objetsrécoltés dans la mer ou la forêt
On peut mêler céramique et laineplumes et peaux
8 Exposition Kasàlà d’Ito Laïla Le François, à la Fabrique de verre, Montréal, octobre-novembre 2016.
Ville de Rimouski
Jean Kabuta Mtajamajina Fils-du-Lwalaba
Celui-qui-nomme-les-choses-et-les-concepts
Celui-qui-nomme-les-humains-et-leurs-actions
On m’appelle aussi Jandhi dans ma nouvelle vie
Je vous salue amis et amies ! Bienvenue à vous !
J’ai récemment élu domicile à Rimouski-la-Belle
Créée en 1696 par René Lepage de Sainte-Claire
Et située dans l’estuaire du Fleuve Saint-Laurent
Qui relie les 5 Grands Lacs à l’Océan Atlantique
Et qu’alimentent des affluents en grand nombre
Dont l’Outaouais la Saguenay et la Rimouski
Je vis comblé dans cette Amérique du nord
À la population constituée d’Autochtones
Et de nouveaux arrivants en provenance
De l’est de l’ouest du sud et d’ailleurs
Arrivés avec des héritages multiples
J’adore ce bel espace arc-en-ciel
Où nul ne peut dire à un autre :
Fous le camp chez toi !
T’es pas chez toi ici !
Entre autres on trouve à Rimouski
Demeure-du-Chien ou Terre-de-l’Orignal
Plus d’une merveille touchant à la science et à la poésie :
L’UQAR ou Université du Québec à Rimouski foyer du savoir
L’IMQ ou Institut maritime du Québec école des spécialités navales
La Cathédrale Saint-Germain de Rimouski lieu de culte hélas désaffecté
L’ÉKAR ou École du kasàlà de Rimouski qui est le Temple du kasàlà
Le parc du Bic le parc Beauséjour les œuvres de Langevin des sentiers
Et des couchers du soleil à couper le souffle qui embrasent l’horizon
On trouve aussi à Rimouski l’impressionnant Chemin-qui-marche
Que les riverains appellent La Mer Immense-miroir-du-firmament
Où se mirent éblouissants les habitants célestes et leurs mystères
Sans parler de l’Oie blanche migratrice de l’élégant grand Héron
De la Bernache du Canada et de tant d’autres espèces de vivants
La cathédrale de Rimouski qu’il vous faut visiter
Depuis le Brise-lame le Littoral ou le Rocher-Blanc
Depuis la Promenade la Marina ou l’Île Saint-Barnabé
C’est celle-là ! C’est cette Mer vaste et habitée !
C’est ce sublime qu’il vous faut admirer
À marée basse ou à marée haute !
Ah je comprends à présent pourquoi les peuples d’Afrique
Constamment connectés à l’invisible n’ont pas perdu leur temps
À ériger des bâtisses gigantesques pour capturer pour emprisonner
La Potière-Primordiale que les uns appellent Leza Brahman ou Allah
D’autres Imana ou Dieu et qu’aucun nom ne peut réellement nommer !
Je comprends qu’avant d’être fermés ces lieux ont toujours été vides !
Rimouski m’apparaît chaque jour comme serait Kamina ma ville natale
Après un siècle peut-être deux aménagée équipée c’est-à-dire modernisée
Encore que pour la vie palpitante des rues habitées pour la chaleur humaine
Pour les odeurs savoureuses les sauces épicées et colorées et autres délices
L’Afrique qui célèbre la vie en dépit des défis sans nombre soit sans égale !
Rimouski et moi on s’est apprivoisés et je m’y sens parfaitement chez nous
Ici je suis entré dans l’inconcevable après m’être libéré de mon ancienne vie
Car un jour las de l’absence de sens j’ai répondu au signe de la Grande-main
Qui m’avait fait signe une ou deux fois déjà sans que je n’y prête attention
Elle m’invitait au voyage dans des contrées dont je n’avais aucune idée
J’ai dit sans hésiter un seul instant : Oui je consens J’abandonne tout !
J’ai pris la route et je suis arrivé à RimouskiEt là j’ai pris mon envol !
Maamà Dôkà
(extrait)
Alors que j’avais quelques mois à peine
Mon père malavisé répudia ma mère
Il me plaça chez Henriette Mùtàndà
Ma mère ne pouvait plus me voir
Henriette c’était une amie à sa sœur
Elle était sans enfant elle m’accueillit
Elle n’était pas tendre loin s’en faut
Elle était en colère du matin au soir
Elle brisait des bâtons durs sur moi
Il arrivait qu’Henriette s’absente
Deux femmes venaient me “voler”
Elles me lavaient elles m’huilaient
Elles me comblaient de gâteries
Elles me couvraient d’amour
Kaayòwa était l’une d’elles !
A l’âge de quatre ans à peine
J’appris à fuguer je découvris le foyer
D’où venaient ces personnes au bon cœur
Si différentes de celles qui m’entouraient
Je découvris que c’était mes jeunes-mères
Kaayòwa Mpwekela était l’une d’elles
Dans leur maison pleine de lumière
L’on chantait l’on riait tout le temps
L’on racontait de belles histoires
L’on lisait les Saintes Ecritures
J’ai encore dans mon corps
La senteur du busa épicé
Et du capitaine fumé
Au cìlwàbeenyi
Nous les enfants en grand nombre
On s’amusait ensemble comme des fous
Du matin au soir on était au grand air
On créait des jeux on se chatouillait
On se laissait gâter par les grands
Dans ma famille maternelle
La vie était savoureuse
J’y étais heureux
Hélas les jeunes frères de mon père
Passaient leur triste vie à me guetter
Dès qu’ils le pouvaient ils m’attrapaient
Ils me remettaient chez ma marâtre
Elle me haïssait elle me maltraitait
Dès que je le pouvais je refuguais
Et je rejoignais mes mères !
Kaayòwa Mpwekela Maamà Dôkà
Compagne-de-Dieu-source-de-bonté
Faisait partie de ce foyer merveilleux
Elle est tout un chapitre de ma vie
ÉTAT DU MONDE
Kasàlà pour Haïti
(Thuy Aurélie Nguyen 2016)
Je suis Haïti la belle incandescente
Qui jamais ne baisse la tête
Qui toujours se relève de ses cendres
Toujours je chante la joie au cœur
Les larmes aux yeux
Dans la fureur des combats
Je chante je ris je danse
Moi Haïti la belle incandescente
Mes origines sont nombreuses
Par maints tours et détours
Elles me ramènent
À la lointaine et langoureuse Afrique
La terre féconde
Où tout a commencé
Avant le ventre sans pitié
Du bateau négrier
Je suis la descendante de la reine Sarraounia
La reine-Sorcière qui défia les Français
Et défendit le village de Lougou
Entourée de ses invincibles guerriers
Je suis la petite-fille de la Princesse Yenenga
La femme qui savait parler aux bêtes
Elle quitta tous les privilèges du trône
Pour fonder le royaume des Mossi
Pour vivre libre et choisir qui aimer
Je suis la digne héritière de Mulâtresse Solitude
Cette femme qui combattit pour la liberté
Et resta debout
Jusque dans sa pendaison
Je suis la fille du Nègre Marron
L’esclave rebelle et fugitif
Qui rompit ses chaînes
Et de Toussaint Louverture
L’ancien esclave qui prit la tête
De la révolte contre les colons français
Je suis Haïti
La première république noire indépendante au monde
Celle qui osa se dresser contre tous
Et se rêver libre
Ma langue est riche et métissée
Comme l’est mon cœur
Je parle le créole
Cette langue
Forgée à partir de la langue des oppresseurs
L’espagnol le français le portugais
Les langues autochtones des premières nations
Les Taïnos, les Ciboney
Sans oublier les langues africaines
Le yoruba, le bantou, le fon et l’ibo
Dans mon sang coulent les mots
D’Amadou Hampaté Bâ
Birago Diop chuchote à mon oreille
Les morts ne sont pas morts
C’est vrai, je vous entends
Dans mes rêves je vois passer
Léopold Sédar Senghor
Et avec Aimé Césaire je dis
Je ne passerai pas à côté de mon cri
J’ai tellement honte
1
Je m’appelle Dyann Serafica-DonaireJ’avais quitté les Philippines depuis longtemps
Nous habitions rue Beaucheminà Mercier sur la Rive-Sud de Montréal
Je me sentais bien chez nousJ’étais mère de famille
Cuisinière de talentje faisais volontiers des heures supplémentaires
Je travaillais à la maison de retraitenommée Sélection de L’Île-des-Sœurs
Pour les gens qui m’ont connuec’est l’incompréhension totale
Ils disent:Elle était si généreuse si travailleuse
On ne pouvait pas ne pas l’aimerElle incarnait la joie de vivre
On ne l’a jamais vue tristeElle adorait la vie
Ce 17 avril 2021il m’a tuée
Je n’avais que 38 ansJe laisse 4 orphelins
Mais pourquoi m’a-t-il tuée?Pourquoi m’a-t-il donc tuée?
Je m’appelle Elisapee AngmaCe 5 février 2021
Il m’a tuéeJ’avais 44 ans
Puis il s’est tué aussiNous laissons un enfant orphelin
Mais pourquoi m’a-t-il tuée?Pourquoi m’a-t-il donc tuée?
Je m’appelle Marly EdouardJ’étais sur le stationnement de mon domicile
Ce 21 avril 2021il m’a abattue d’une balle dans la tête
J’avais à peine 32 anset toute ma vie devant moi
Mais pourquoi m’a-t-il tuée?Pourquoi m’a-t-il donc tuée?
Je m’appelle Nancy RoyJe suis mère de deux enfants
Il me forçait à porterune cagoule et des œillères
Je ne pouvais regarderni à gauche ni à droite
J’étais sa chose il me possédaitIl était mon propriétaire
Nous habitions à Saint-HyacintheJ’avais tellement peur
Ce 23 février 2021il m’a poignardée à mort
Je n’ai pas réussi à me défendreIl était tellement plus fort
Pourtant il m’avait adoréeJe n’avais que 44 ans
Mais pourquoi m’a-t-il tuée?Pourquoi m’a-t-il donc tuée?
Je m’appelle Myriam DallaireJ’avais 28 ans
Ma mère s’appelle Sylvie BissonElle avait 60 ans
Nous habitions à Sainte-Sophiedans les Laurentides
Lui et moi on avait un enfantCe 1er mars 2021
il nous a massacréesavec sa hache
Notre jeune enfant reste dans le deuilPourquoi a-t-il tué ma mère?
Mais pourquoi m’a-t-il tuée?Pourquoi nous-a-t-il donc tuées?
Je m’appelle Carolyne LabontéJ’habite avec mon conjoint
à Notre-Dame-des-Montsdans la région de Charlevoix
Le 18 mars 2021il m’a tuée
J’avais à peine 40 ansJe commençais à me poser
Mais pourquoi m’a-t-il tuée?Pourquoi m’a-t-il donc tuée?
Je m’appelle Nadège JolicœurLe 19 mars 2021
Mon conjoint m’a poignardée à mortPuis il s’est poignardé aussi
J’avais 40 ansNous laissons 5 enfants dans le deuil
Mais pourquoi m’a-t-il tuée?Pourquoi m’a-t-il donc tuée?
Je suis Rebekah HarryNous habitions à LaSalle
Ce 23 marsil m’a battue sauvagement
à coups de poingsjusqu’à ce que je perde la vie!
Pourtant nous nous étions aimésJ’avais à peine 29 ans
J’avais toute ma vie devant moiJe laisse un jeune garçon orphelin
Mais pourquoi m’a-t-il tuée?Pourquoi m’a-t-il donc tuée?
Je m’appelle Kataluk PaningayakNous vivions à Ivujivik
J’avais 43 ansJ’étais mère de famille
Ce 25 mars 2021mon conjoint m’a tuée
Puis il s’est tuéNous laissons six enfants orphelins
Mais pourquoi m’a-t-il tuée?Pourquoi m’a-t-il donc tuée?
2
En 4 mois10 femmes liquidées
par leur conjointou ex-conjoint
10 femmes mortesaux mains d’un homme
dans la seule provincedu Québec
On n’ose penseraux chiffres du Canada
et de l’Amérique entièreet de la planète!
Réchauffement climatique :
La Militante
Réchauffement climatiqueCe n’est pas une invention
Voici l’urgence aujourd’hui :économie sans carbone
et sans énergies fossileset autres trucs polluants
Changer radicalementnos façons de consommer !
Hé adultes arrogantsvous m’avez donné la vie
comme vous l’avez reçuede ceux qui vous ont voulus
En détruisant le climatvous me volez mon futur
Il est temps de s’arrêterpour sauvegarder la Vie
Vous ne faites que tricherSeul compte pour vous le gain
Il faut penser autrementsauver l’environnement
et partager les ressourcesJeunesse du monde entier
unissons-nous protestonsavant qu’il ne soit trop tard !
On n’est jamais trop petitpour faire de grandes choses
C’est ce qu’illustre Gretajeune Activiste-en-colère
Fille-précoce-d’artistesqui réveille les consciences
qui fait bouger la planèteet nous rend l’espoir perdu
En grève pour le climatelle sillonne le monde
rencontre des sommitéset provoque des débats
Pour soutenir son actiondes prix pleuvent de partout
qu’elle refuse ou partagesouveraine dans ses choix
Nelloptodes Gretaec’est le nom du scarabée
que vient d’identifierle chercheur Michael Darby
À défaut du prix Nobelfigurer parmi les phares
qui illuminent la routevers un futur rassurant
Car ce qui compte vraimentc’est plus que ma seule vie
C’est la vie qui me débordequi palpite en tout Vivant
Ce qui m’émeut et me meutc’est le phénomène vie
qui imprègne la Naturele visible et l’invisible
Le six avril
Mois d’avril cet horrible mois
L’on croyait le monstre défunt
Après la traite après Auschwitz
L’on rêvait l’on disait tout haut
Diable est mort il n’existe pas
Le six avril quatre-vingt-quatorze
L’avion présidentiel est abattu
Seul rescapé un monstre
Un monstre surgi des Grands-lacs
Il tranche les jambes et les têtes
Il coupe tout ce qui dépasse
Il sectionne les troncs élagués
Il prend de longs bâtons pointus
Il enfile la chair humaine
Il brandit victorieux ses trophées
Il les jette dans la rivière
Le monstre anime les milices
Appelées Interhamwe et Impuzamugambi
Et assistées des FAR 9 et du reste de la population
Les mères percentles yeux de leurs fils
Les pères brisentles os de leurs filles
Les uns sont brûlés les autres enterrés vifs
Dans chaque flacon dans chaque récipient du poison
Pour empoisonner la soeur le neveu la tante
Partout la fumée suffocante et le feu ardent
Sous chaque pasdes mines nerveuses
Dans chaque maisondes objets tranchants
Destinés à hacher la mère la vieille grand-mère
Dans chaque chambre des machettes brillantes
Destinées à décapiter les voisins devenus ennemis
Des machettes flambant neuvesoffertes par Pékin
Des grenadesoffertes par Paris Bruxelles Prétoria
Et des bâtons cloutéset des marteauxet des couteaux
Pour démolir broyer l’autre Celui-qui-est-différent
Quelque Hutu téméraire ose se rebeller
Contre la haine soudaine la déraison meurtière
Sitôt il est déchiqueté et dévoré froidement
Quelque autre est simplement soupçonné de connivence
Il est livré aux bêtes et insectes carnivores
Des Hutu sans nombre assassinés qui refusent d’obéir
Le Monstre sans âme du haut de ses Mille Collines
Hurle à travers les ondes électromagnétiques
Scande des injures contre les damnés sans armes
Il exhorte les milices et chante leur bravoure
Vaillant guerrier Fils-de-l’intrépide Fils-du-sanguinaire
L’heure est venue de te venger Hutu Power !
Des tueurs aux yeux rouges au verbe brûlant
Debout sur des enfants des femmes fraîchement tués
Récitent des autopanégyriques enflammés
Je suis le Lion-irascible-aux-canines-acérées
Moi Fils-du-Sanglant-race-des-seigneurs
Lorsque j’apparais avec mon javelot le Coléreux
Celui-qui-ne-rate-jamais-sa-cible Fils-du-Vainqueur
L’ennemi apeuré atterré libère sa vessie ses intestins
Je coupe son sexe ses seins je le liquide avec sang-froid
A Gikongoro j’ai abattu courageusement vingt mille Tutsi
A Kigali j’ai étranglé six cent seize nourrissons
Moi héros-incontesté-aux-viscères-pétrifiées
Des raids à toute heure des obus à chaque minute
Des projectiles volent en tous sens sans arrêt
Comme l’on rêve de dormir une nuit complète
Sans l’angoisse sans la hantise de la mort
9 Forces armées rwandaises.
Kasàlà pour les noces de
Ndaayà Kabuta et Clément Couvreur
Ndaayà Sâlà Mwâ Kabuta Promesse-Joyeuse
Ndaayà la Rouge ma fille bien-aimée
Petite-sœur de Ntùmbà Cìbaadìkòngu Météore-Riant
Grande-sœur chérie de Lelààyì Mbiiyè l’Intrépide
Et de Kambalà Sola Ngalula qu’on appelle aussi Mandela
Mère de Noah le Loquace et de Soan l’Admirable
Épouse de Clément Couvreur le Bienveillant
Au nom de l’autre Ndaayà dont tu portes le nom insigne
Qui était fille de Cimbu Annà Mwâ Kabàmbà
Et de Lufùlwàbò Simon le mukwà Kalonji mwena Kalenda
Femme de grande intelligence et de grande beauté
Grand-Maître qui cultiva le chant et l’amour au sein des siens
Sœur de l’illustre Lufùlwàbò Paul Kabàmbà dit Camplimbar
Et d’un grand nombre d’autres êtres remarquables
Celle dont de nombreux hommes se disputaient le cœur
Ta grand-mère paternelle qui te désira de toutes ses forces
Priant Dieu sans relâche pour que tu vinsses au monde
Voyant que longtemps après la naissance de ta sœur Ntùmbà
Nous tes parents semblions nous contenter d’elle seule
Au nom de ton grand-père paternel Kambalà Cikèngèlè Ambroise
Frère de Bwànà Kabàmbà de Kànyàmà Stanis et de tant d’autres
Au nom de Citenga Ntâmbwà ton arrière-grand-père
Le Mukwà Ndoba mwena Mpwanga mwena Cimbaayi aux yeux de lumière
Au nom de Ntùmbà Cibaadikongu wa Kaamudimba
Ta sagace arrière-grand-mère qui rendait justice à Kapàlà
Au nom de Mudioko Yakalo Flauribert ton grand-père maternel
Distributeur renommé qui distribuait aux citoyens la terre précieuse
Et de Lelààyì Elisabeth ta grand-mère maternelle
Femme de Dieu connue pour son hospitalité
Au nom de Sidonie Claudine Kikangala l’Elégante
Celle qui résiste au temps et qui te donna la vie
Et au nom de celles et ceux qui font partie de son escorte
Échange avec un inconnu
1
Me voici Kabuta-wa-Ndaayà L’ÉphémèreContingence surgie dans la vie fragile
Selon je ne sais quel algorithmeTantôt attentif tantôt distrait
Je pourrais disparaîtred’un moment à l’autre
Et regagner le Silencedont je suis issu
Je pourrais en un clin d’œilquitter la vie aventure phénoménale
Et me réduire à quelques tracesà travers des mots épars dits noms poétiques
J’ai la faculté de m’incarner et de me désincarnerà tout instant
Voici quelques événementssurvenus entre le 8 et le 12 août 2021
Et qui montrent la viedans ce qu’elle a de plus inattendu de plus surprenant
Je dédie ces motsà Madeleine Timmermans la Sage-Femme
Sœur de la forêt et des rivièresnièce des saumons et des cerfs
La Vivante exemplaireCelle-qui-se-laisse-modeler-par-la-poésie
Celle qui sait que la viequelle que soit sa durée et son support
Mérite d’être vécue arrosée et aéréerenforcée et célébrée
C’est le soir d’une superbe journée estivaleJe termine ma marche quotidienne
Le long du fleuve et de la rivière fraternelsvéritables bénédictions pour l’âme
Qu’ils sont fortunés les Rimouskoisd’être si bien entourés si bien portés !
Je m’apprête à traverser la chausséeJ’attends que les feux m’y autorisent
Un homme d’environ 70 ans arriveNous nous saluons
Il me diten appuyant sur le dernier mot :
« Vous êtes BEAU ! Vous êtes BEAU ! »Je suis surpris
Nous échangeons juste deux ou trois motsle temps de traverser la chaussée
C’est-à-dire une quinzaine de secondes !Une fois sur l’autre trottoir
L’inconnu intriguantcontinue son chemin et moi le mien !
Je m’examine pendant plusieurs minutesJe ne vois pas ce qu’il lui semble si beau
Je ne trouve rien de spécial à mon sujet :Je suis habillé comme tout le monde
Je subis comme tout le monde l’agression du temps !Je finis par me dire :
« Ce ne peut être que mon visage »Justement je ne peux le voir moi-même
Le meilleur miroir du mondene saurait jamais me le montrer réellement !
Quelle expérience !C’est donc l’autre qui m’informe sur moi-même !
C’est l’autre qui me révèle à moi-même !Et de me remémorer ce proverbe bantu :
« Umuntu ngumuntu ngabantu »Je n’existe que par la médiation de l’autre
Autrement ditl’autre est témoin de mon existence !
À ma naissance il me donne un nompour attester que j’existe
Quant à moi je le croisJe consens à lui faire confiance !
Je perçois chez lui une invitation bienveillanteà être fidèle à ce qui transparaît
L’invitation à prendre soin de ce qui me dépasseJ’accepte la responsabilité
D’héberger cette présenceplus grande que moi
Ce passant fait de moi un modèle de beautéIl fait un idéal de l’être que je suis !
Baobab-volant
À peine né l’enfant subitdes agressions tous azimuts
Et la famille et les petits écransse liguent pour l’affubler
D’armures et de croyancesde manières et d’ornières
Bientôt il entreprendde se déserter de soi-même
Il grandit en entretenantles rêves des autres
Il déteste sa demeurepour convoiter celle du voisin
Il se déserte de soiet ne reconnaît plus que le visible
Il n’entend plus son âmeni son cœur ni son corps
Il oublie que cette vie est accordéeune seule fois
Il oublie qu’il est l’artisande son paradis ou son enfer
Il oublie son aptitudeà se régénérer et à voler
Il oublie sa noblesseet son essence divine
Par bonheur il existe des écolesoù l’on se déséduque
L’on y apprend la désobéissancel’audace la lenteur le jeu
Ainsi que l’art de se délesterde pesanteurs et de soi
L’on y apprend à voyagernu et sans valises
L’on y apprend aussi à écoutersa propre voix
Et l’on s’entraîne à tracerson propre chemin
L’on retrouve son nomet sa propre signature
Ainsi l’on contribueà sa propre création
Le ficus pousse gentimentautour d’un arbre
Alors qu’il semblait le protégeril finit par l’étrangler
Un seul arbre résiste au ficus étrangleur :le baobab
Je suis Baobab-que-nul-n’encercle-ni-n’étouffe
Je suis bien enraciné dans le solet bien accroché au ciel
Le temps qui terrifie l’homme ordinaireest mon allié loyal
Rien ne m’ébranle !J’ai de l’énergie vitale à revendre !
J’évolue dans le visiblecomme dans l’invisible…
Là où mes feuilles se muent en aileset je deviens Oiseau
Je m’envole et gagne l’impensésur l’autre rive de l’océan
Là où je deviens Homard-sécréteur-de-télomérase
Et me renouvelleet savoure l’immortalité
Homme d’action je n’ai pas quittéma chaleureuse Afrique
Je ne suis pas venudans l’Amérique du nord aux hivers cuisants
Pour jouer au golf pour regarder la télépour manger la poutine
Je suis venu proposerd’autres manières d’être au monde
Homard-à-la-pince-coupanteje coupe les amarres au connu
Porteur d’un autre héritageje viens renouveler les traditions
Ma vie est faite de spectaclesde rythmes et d’oscillations :
De sons d’images d’échos de refletsde mon rythme intime
J’ai fait de ma vieune succession discontinue de vastitudes :
Le héron blanc en vrikshasanaou en vol dans le ciel ouvert
Cette toile de Chrystel Robinqui ouvre sur l’incommensurable
Ces musiques venues d’ailleursqui m’émerveillent tant !
Ces poèmes constituésde quelques mots seulement
Qui disent l’universcomme cette goutte de rosée matinale
Sur une feuille de capucinequi reflète tout le firmament
Comme ces enfants libresqui jouent et éclatent de rire !
Je suis Calligramme
Objet multiformeà voir à contempler
Très souventje suis simplement objet graphique
Constitué de lettres et de motset je me fais Calligramme
Dont la création imposeune agréable contrainte
Celle d’être silencieuxcelle d’être concis
Prochaine migration
Ce lieu, qui représente ma prochaine migration, est probablement le même que celui dont je suis parti, lors de ma première initiation, évoquée au n° 27.